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à plusieurs cardinaux et à d’autres, en sorte qu’il en laissa le bruit répandu et tout commun à Rome. Porté sur les ailes d’une si ferme et si douce espérance, il arriva à Paris le 28 décembre 1721.

Tout enfin étant réglé et prêt pour l’échange, l’infante partit le 9 janvier d’Oyarson, et Mlle de Montpensier de Saint-Jean de Luz, avec chacune tout leur accompagnement ; et [elles] se trouvèrent en même temps vis-à-vis l’île des Faisans, où elles entrèrent en même temps. Elles n’y demeurèrent que ce qu’il falloit pour les compliments réciproques et les choses nécessaires pour l’échange, et en sortirent en même temps : l’infante menée par le prince de Rohan, et Mlle de Montpensier par le marquis de Santa-Cruz. Elles couchèrent : l’une à Saint-Jean de Luz, l’autre à Oyarson ; et poursuivirent le lendemain leur voyage. La pauvre reine douairière d’Espagne s’épuisa pour elles en présents magnifiques de pierreries et de bijoux, à leur passage à Bayonne ; et par une prostitution de flatterie qu’elle apprenoit de ses extrêmes besoins elle voulut traiter Mlle de Montpensier en princesse des Asturies, et comme si elle eût déjà été mariée. Elle lui donna un fauteuil et la visita chez elle. Pendant la séance du fauteuil, les duchesses passèrent dans un autre endroit avec la camarera-mayor de la reine. Je me servis de tout ce que cette pauvre reine avoit fait pour toucher le roi et la reine d’Espagne pour lui procurer quelques secours sur ce qui lui étoit dû, qui étoit fort considérable et fort en arrière, et j’en obtins enfin un payement assez gros, mais ce fut tout, et je ne pus en obtenir depuis. Bayonne passé, le prince de Rohan, dont la magnificence avoit été sans table et momentanée, prit la poste et gagna Paris, où il rendit compte de ce qui s’étoit passé, et de ce qu’il avoit vu ou voulu voir de l’infante. Le marquis de Santa-Cruz dépêcha quelqu’un à Lerma, et ne vint qu’avec Mlle de Montpensier, qui se trouva seule entre les mains des Espagnols, sans aucune dame, ni femme ni domestique françois,