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Grimaldo étoit droit et vrai ; il s’affectionna à moi de très bonne foi il m’en donna toutes sortes de preuves, dès ce premier séjour à Madrid, comme j’en ai rapporté quelques-unes. Il voyoit aussi une union des deux cours par des mariages qui pouvoient influer sur les ministres. Son seul point d’appui étoit le roi d’Espagne pour se maintenir dans le poste unique qu’il occupoit, si brillant et si envié. Il ne pouvoit pas faire de fondement solide sur la reine, comme on l’a vu ci-devant. Il vouloit donc s’appuyer de la France, tout au moins ne l’avoir pas contraire, et il connoissoit parfaitement la duplicité et les caprices du cardinal Dubois. La cour d’Espagne, de tout temps si attentive sur M. le duc d’Orléans, par tout ce qui s’étoit passé du temps de la princesse des Ursins, et depuis pendant la régence, n’ignoroit pas la confiance intime et non interrompue que de tout temps ce prince avoit en moi, ni ma façon d’être avec lui. Ces sortes d’objets se grossissent de loin plus que d’autres, et le choix qui avoit été fait de moi pour cette singulière ambassade y confirmoit encore. Grimaldo put donc penser à s’assurer de mon amitié et de mes services auprès de M. le duc d’Orléans dans les occasions fortuites ; et je ne crois pas me tromper en lui prêtant cette politique pour me favoriser sur une grâce, au fond assez naturelle, qui, par l’occasion unique de me la faire, ne tiroit à nulle conséquence, et qui ; à son égard particulier, n’avoit aucun inconvénient.

Je m’ouvris aussi à Sartine, que mes égards pour lui si opposés aux brutalités qu’il essuyoit souvent de Maulevrier, et les bons offices que je tâchois de lui rendre auprès de M. le duc d’Orléans et du cardinal Dubois, m’avoient entièrement dévoué. On a vu qu’il étoit ami particulier et familier de Grimaldo, et je me servis utilement de ce canal pour faire passer à ce ministre ce qu’il eût été moins convenable de lui dire moi-même. Je touchai encore un mot de cette grandesse et de la Toison au P. Daubenton, la veille