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qui y convia tout le parlement, lequel il fit signer au contrat de mariage.

Parmi tout ce vacarme que je fis, rien n’échappa au premier président ni aux siens. Au contraire, force regrets de ma colère, force désirs de l’apaiser, force respects, malgré toute leur gloire. Il faut achever cet épisode tout de suite. Après quelque temps et qu’ils se flattèrent que leur conduite à mon égard, tandis que je ne me refusois rien, auroit pu émousser ma colère, ils me firent parler par plusieurs de mes amis dans les termes les plus propres à se faire écouter. Cela dura longtemps sans autre réponse que mes propos accoutumés sur le beau-père et le gendre. À la fin ce fut quelque chose de plus intime et de plus cher qui m’abattit plutôt qu’il ne me gagna. Mme de Saint-Simon ne cessoit de répandre des larmes en silence ; elle ne mangeoit et ne dormoit plus ; sa santé délicate s’altéroit visiblement. Cet état, qui ne pouvoit se changer que par une réconciliation, fit en moi un combat intérieur, dont les fougues et les élans ne se peuvent décrire entre ce que je respectois et que j’aimois le plus tendrement, entre une douleur continuelle qui la minoit et qui me perçoit le cœur, et de me réconcilier avec deux hommes qui avec tant de raison m’étoient si démesurément odieux, et qui ne m’étoient pas moins méprisables. Enfin, pour abréger, je fis à la conservation de Mme de Saint-Simon un sacrifice vraiment sanglant, et au bout de six ou sept mois, la réconciliation se fit en cette sorte. Je consentis que le contrat fût signé, et de voir la duchesse de Lorges à l’hôtel de Lauzun, sans personne que la duchesse de Lauzun. Cela se passa debout en un moment, et fort cavalièrement de ma part. Le lendemain le premier président vint chez moi en robe de cérémonie, où il m’accabla de compliments et de respects. Je fus sec, mais poli, comme je m’y étois engagé. Les jours suivants Mme de Fontenilles sa sœur, le bailli de Mesmes et leurs plus proches vinrent au logis où je les reçus civilement, mais très froidement ; le premier président y