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en fournit un exemple qui est encore sous nos yeux. Quoi qu’il en soit, le prince de Santo-Buono que j’ai vu en Espagne, homme d’esprit, et qui savoit beaucoup, avouoit, après s’être fort appliqué aux recherches de sa maison, que les Carraccioli au lion, dont il étoit, étoient cadets des Carraccioli rouges, mais masculinement et de la même maison. Ces deux divisions se sont étendues en une infinité de branches presque toutes illustres par les emplois, les titres, les alliances et les grandes possessions.

Matthieu Carraccioli, quatrième prince de Santo-Buono, et second duc de Castelsangro, mort en 1694, et marquis de Buchiniaco, et comte de Nicastro, fut fait grand d’Espagne. Il étoit père de celui que j’ai vu en Espagne, qui avoit été ambassadeur à Venise, et vice-roi du Pérou. C’étoit un fort honnête homme, très considéré, d’une conversation charmante et instructive, et que j’ai beaucoup vu. Il étoit allé fort goutteux au Pérou. Il y trouva une herbe qui, prise comme du thé, guérissoit de la goutte, sans aucun des inconvénients des remèdes de l’Europe qui, en guérissant la goutte en apparence, ne font que déranger le cours ordinaire de cette humeur qui se porte sur les parties intérieures, et tue, peu de temps après l’apparente guérison des membres. Le prince de Santo-Buono eut la curiosité de faire un voyage de plus de cinquante lieues du côté des montagnes pour voir cette herbe en son pays natal. Il la vit, il en usa, il se diminua beaucoup la goutte ; mais comme il y étoit sujet dès sa jeunesse, et qu’il en étoit déjà estropié, il ne put que diminuer et rendre rares ses attaques de goutte, et demeura estropié à peu près comme il l’étoit avant que d’en avoir pris. Je lui reprochai de n’en, avoir point apporté avec lui pour en faire des épreuves, et voir quel soulagement en tireroient les goutteux ainsi séchée et après un si long voyage. La difficulté qu’avoit le prince de Santo-Buono à marcher et à se tenir debout, jointe à la considération de sa personne, lui avoit procuré la distinction d’aller en chaise