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par leurs immenses richesses. La bibliothèque ne me satisfit point, et les bibliothécaires encore moins. Je fus reçu avec beaucoup de civilité et de bonne chère à souper, quoique à l’espagnole, dont le prieur et un autre gros moine me firent les honneurs. Passé ce premier repas, mes gens me firent à manger ; mais ce gros moine y fournit toujours quelques pièces qu’il n’eût pas été honnête de refuser, et mangea toujours avec nous, parce qu’il ne nous quittoit point pour nous mener partout. Un fort mauvais latin suppléoit au françois qu’il n’entendoit point, ni nous l’espagnol.

Dans le sanctuaire, au grand autel, il y a des fenêtres vitrées derrière les sièges du prêtre célébrant la grand’messe et de ses assistants. Ces fenêtres, qui sont presque de plain-pied à ce sanctuaire, qui est fort élevé, sont de l’appartement que Philippe II s’étoit fait bâtir, et où il mourut. Il entendoit les offices par ces fenêtres. Je voulus voir cet appartement où on entroit par derrière. Je fus refusé. J’eus beau insister sur les ordres du roi et du nonce de me faire voir tout ce que je voudrois, je disputai en vain. Ils me dirent que cet appartement étoit fermé depuis la mort de Philippe II, sans que personne y fût entré depuis. J’alléguai que je savois que le roi Philippe V l’avoit vu avec sa suite. Ils me l’avouèrent, mais ils me dirent en même temps qu’il y étoit entré par force et en maître qui les avoit menacés de faire briser les portes, qu’il étoit le seul roi qui, depuis Philippe II, y fût entré une seule fois, et qu’ils ne l’ouvroient et ne l’ouvriroient jamais à personne. Je ne compris rien à cette espèce de superstition ; mais il fallut en demeurer là. Louville, qui y étoit entré avec le roi, m’avoit dit que le tout ne contenoit que cinq ou six chambres obscures et quelques petits trous, tout cela petit, de charpenterie bousillée, sans tapisserie lorsqu’il le vit, ni aucune sorte de meubles : ainsi je ne perdis pas grand’chose à n’y pas entrer.

En descendant au Panthéon, je vis une porte à gauche à la moitié de l’escalier. Le gros moine qui nous accompagnoit,