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pour resserrer de plus en plus une si heureuse union des deux royales branches de leur maison, en contribuant de ses conseils et de tous les moyens qu’il pourroit tirer de sa qualité de régent de France pour servir et porter les intérêts et la grandeur de Sa Majesté Catholique avec autant de zèle et d’attachement que ceux mêmes de la France, et la persuader de plus, ce qu’il souhaitoit avec le plus de passion, de son infinie reconnoissance, de son attachement, de son profond respect et de sa vénération parfaite pour sa personne. Je finis mon discours par témoigner combien je ressentois de joie et combien je me trouvois honoré d’avoir le bonheur de paroître devant Sa Majesté Catholique, chargé par le roi de contribuer de sa part à mettre la dernière main à un ouvrage si désirable ; ce qui me combloit en mon particulier de la plus sensible satisfaction, outre celle de toute la France et de l’Espagne, parce que je n’avois jamais pu oublier d’où Sa Majesté Catholique étoit issue, et toujours nourri et témoigné en tous les temps mon très profond respect et l’attachement le plus vrai et le plus naturel pour elle.

Si j’avois été si surpris de la première vue du roi d’Espagne à mon arrivée, et si les audiences que j’en avois eues jusqu’à celle-ci m’avoient si peu frappé, il faut dire ici avec la plus exacte et la plus littérale vérité que l’étonnement où me jetèrent ses réponses me mit presque hors de moi-même. Il répondit à chaque point de mon discours dans le même ordre, avec une dignité, une grâce, souvent une majesté, surtout avec un choix si étonnant d’expressions et de paroles par leur justesse et un compassement si judicieusement mesuré, que je crus entendre le feu roi, si grand maître et si versé en ces sortes de réponses.

Philippe V sut joindre l’égalité des personnes avec un certain air de plus que la déférence pour le roi son neveu, chef de sa maison, et laisser voir une tendresse innée pour ce fils d’un frère qu’il avoit passionnément aimé et qu’il