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en assez peu de mots, tandis que les larmes tomboient des yeux du roi assez dru, et que de fois à autre Fréjus lui parloit bas, sans en tirer aucune réponse ; que le maréchal de Villeroy, avec force gestes et quelques phrases, avoit dit qu’on ne pouvoit s’empêcher de reconnoître l’utilité de la réunion des deux branches, ni aussi l’importance que le roi eût des enfants dès qu’il en pourroit avoir et que, dans une affaire aussi désirable, il étoit malheureux qu’il n’y eût point en Espagne de princesse d’un âge plus avancé ; que néanmoins il ne doutoit point que le roi n’y donnât son consentement avec joie, et tout de suite lui en dit quelques paroles d’exhortation. M. le duc d’Orléans reprit là-dessus la parole sur les avantages et la nécessité incomparablement plus considérables que l’inconvénient de l’âge, mais en deux mots. Le cardinal Dubois ne parla plus et ils attendirent en grandes angoisses ce que l’affaire deviendroit entre les mains de Fréjus, qui étoit leur seule espérance. Ce prélat parla peu sur la chose. Il dit en s’adressant au roi qu’il devoit marquer sa confiance aux lumières de M. le duc d’Orléans, sur un mariage qui le réunissoit si heureusement avec le roi son oncle, comme il la lui donnoit sur le gouvernement de son royaume, puis parloit bas au roi à reprises, et par-ci, par-là quelques paroles d’exhortation sèches et tout haut du maréchal de Villeroy, jusqu’à ce que enfin le roi eût prononcé qu’il y consentoit. Tout cela s’étoit passé avant que les trois maréchaux et moi entrassions dans le cabinet. On en étoit alors à exhorter le roi d’aller au conseil de régence, où aussitôt après qu’il eut donné son consentement, M. le duc d’Orléans lui avoit dit que sa présence étoit nécessaire pour un consentement public, et pour que le mariage fût passé au conseil de régence, sur quoi le roi larmoyoit toujours et ne répondoit point. Le reste dont nous fûmes témoins, je l’ai expliqué.

Le cardinal Dubois arriva en tiers comme M. le duc d’Orléans raisonnoit avec moi sur tout ce détail qu’il venoit de