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de cette longue et inusitée conférence dans le cabinet du roi, nous voyant rentrer, s’approchèrent avec curiosité, sans toutefois oser demander ce que c’étoit ; tous avoient l’air occupé. M. le duc d’Orléans s’amusa comme il put avec les uns et les autres, disant que le roi alloit venir. Les trois maréchaux et moi qui rentrions avec M. le duc d’Orléans, nous séparâmes sans nous trop mêler avec personne. Cela fut court. Le roi entra avec M. le Duc et le maréchal de Villeroy, et tout aussitôt on se mit en place. Le cardinal Dubois, qui n’entroit plus au conseil de régence depuis qu’il portoit la calotte rouge s’en étoit allé tout de suite au sortir du cabinet du roi.

Assis tous en place, tous les yeux se portèrent sur le roi, qui avoit les yeux rouges et gros, et avoit l’air fort sérieux. Il y eut quelques moments de silence pendant lesquels M. le duc d’Orléans passa les yeux sur toute la compagnie qui paraissoit en grande expectation ; puis les arrêtant sur le roi, il lui demanda s’il trouvoit bon qu’il fît part au conseil de son mariage. Le roi répondit un oui sec, en assez basse note, mais qui fut entendu des quatre ou cinq plus proches de chaque côté, et aussitôt M. le duc d’Orléans déclara le mariage et la prochaine venue de l’infante, ajoutant tout de suite la convenance et l’importance de l’alliance, et de resserrer par elle l’union si nécessaire des deux branches royales si proches, après les fâcheuses conjonctures qui les avoient refroidies. Il fut court, mais nerveux, car il parloit à merveilles et demanda les avis ; on peut bien juger quels ils furent. Presque aucun n’étendit le sien, sinon les maréchaux de Besons et d’Huxelles un peu ; l’évêque de Troyes, le maréchal d’Estrées un peu davantage. Le maréchal de Villeroy n’approuva qu’en deux mots, ajoutant d’un air chagrin qu’il étoit bien fâcheux que l’infante fût si jeune. Je m’étendis plus qu’aucun, mais toutefois sobrement. Le comte de Toulouse approuva en deux mots de fort bonne grâce, M. le Duc aussi ; puis M. le duc d’Orléans parla encore un