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en avoit assez et se fit battre plusieurs jours, soit qu’en effet il ne voulût rien de M. le duc d’Orléans, bien sûr qu’après la régence il recevroit du roi tout ce qu’il voudroit, soit que résolu de ne pas laisser échapper ce gros morceau, il voulût se faire honneur de cette momerie. Je me mis après lui comme j’avois fait pour Reims, non dans le même désir, parce qu’il n’y avoit plus d’intérêt général ni particulier à l’égard de cette abbaye, mais pour la curiosité de ce qu’il en arriveroit ; enfin, après avoir bien fait le béat et le réservé sur les biens d’Église, il eut la complaisance de se laisser forcer et même de laisser employer le nom du roi à Rome pour le gratis entier qu’il obtint aussitôt. Il faut pourtant avouer qu’il ne fut jamais intéressé. Depuis il a été longtemps à même de toutes choses, il n’a jamais pris aucun bénéfice, et il n’a pas paru qu’il se fût beaucoup récompensé d’ailleurs. Aussi dans le plus haut point de la toute-puissance, avec le cardinalat, son domestique, son équipage, sa table, ses meubles furent toujours au-dessous même de ceux d’un prélat médiocre.

Achevons de suite ce qui regarde l’archevêché de Reims. J’étois fort des amis de Castries, et l’abbé son frère, l’un chevalier d’honneur de Mme la duchesse d’Orléans, l’autre qui avoit été premier aumônier de Mme la duchesse de Berry, que j’avois fait mettre dans le conseil de conscience, qui avoit été sacré archevêque de Tours, par le cardinal de Noailles, et qui, sans y être allé, passa tout aussitôt à Albi, comme l’abbé d’Auvergne, qui eut Tours après lui, passa incontinent après à Vienne. Les Castries avec raison désiroient passionnément Reims. Outre le rang et la décoration, l’extrême éloignement d’Albi et la proximité de Reims étoit un grand motif pour deux frères toujours infiniment unis, qui avoient passé toute leur vie ensemble, et qui se voyoient séparés dans un temps où l’âge et les infirmités de l’aîné et sa solitude domestique, ayant perdu sa femme et son fils unique, lui rendoient la présence de son frère plus nécessaire.