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chargé des affaires de Madame, fit vaquer une troisième place de conseiller d’État. On a vu en son lieu combien j’avois été content de Méliant, maître des requêtes, dans une grande affaire que je gagnai au conseil, contre le duc de Brissac, la duchesse d’Aumont, etc., dont il étoit rapporteur, et que je gagnai depuis au fond au parlement de Rouen. Je désirois depuis longtemps qu’il fût conseiller d’État. Il avoit été intendant de l’armée en Espagne sous M. le duc d’Orléans, et l’étoit alors de Lille. Cette place et son ancienneté l’y portoient naturellement. Il étoit, de plus, sans aucun reproche. Il avoit déplu en Espagne aux valets de M. le duc d’Orléans, qui lui en avoient donné de mauvaises impressions, en sorte que j’eus toutes les peines du monde à lui faire rendre cette justice. Le maréchal de Villeroy, qui dans le mécontentement extrême dont étoit M. le duc d’Orléans de lui, en obtenoit d’autorité tout ce qu’il vouloit, fit donner la seconde de ces trois places à Harlay, fils du premier ambassadeur plénipotentiaire à Ryswick. Celui-ci étoit un fou plein d’esprit, plaisant, dangereux, et peut-être la plus indécente créature qu’on pût rencontrer, de plus ivrogne, crapuleux et d’une débauche débordée ; il avoit été intendant de Metz, puis d’Alsace ; la capacité ne lui manquoit pas, mais il ne prenoit pas la peine de rien faire ; ses secrétaires faisoient tout ; il lui étoit arrivé partout mille scandales publics, et il étoit si accoutumé et si heureux à s’en tirer, et à monter toujours de place en place jusqu’à l’intendance de Paris, qu’il disoit : « Encore une sottise, et je serai secrétaire d’État. » Le maréchal de Villeroy le protégeoit hautement ; il avoit été fort ami du premier président Harlay, et parent des Harlay, qui s’en faisoient honneur réciproquement. Alincourt, fils de Villeroy, secrétaire d’État, avoit épousé la fille unique de Mandelot, gouverneur de Lyon, etc., et d’une Robertet. La Ligue avoit fait ce mariage, et Alincourt eut la survivance du gouvernement de son beau-père. Il n’eut qu’une fille unique de ce mariage, qui épousa le