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après tous les élans du procès, tant de la succession de M. le Prince que pour la qualité de prince du sang et pour l’habilité de succéder à la couronne, de voir cette femme qui avoit tant osé assurer qu’elle renverseroit l’État et mettroit le feu partout pour conserver ces avantages si étrangement acquis, de la voir, dis-je, rager entre quatre murailles de la dition de M. le Duc [1]. Il hésita longtemps à tout ce que M. le duc d’Orléans et moi pûmes lui dire, à quoi la bienséance eut plus de part après tout ce qui s’étoit passé entre eux, que la vraie répugnance. Aussi se laissa-t-il vaincre à la fin, et consentit à l’étroite prison de sa chère tante dans la prison de Dijon ; tout cela résolu, et pour l’exécuter en bref, nous nous séparâmes.

Le lundi et mardi suivants, 26 et 27 décembre, se passèrent à prendre les mesures et donner les ordres nécessaires, avec tout le secret qu’il se put ; mais M. et Mme du Maine, qui voyoient l’ambassadeur d’Espagne conduit à Blois, ses paquets pris, ses papiers visités et bien des gens arrêtés, n’étoient pas sans appréhension de l’être, et avoient eu tout le loisir de donner à leurs papiers tout l’ordre qu’ils jugèrent à propos. Avec cette précaution leur crainte diminua, quoi qu’il pût arriver. L’abbé en savoit autant sur leur compte lorsqu’il reçut les papiers de Blois qu’il montra en avoir appris depuis par l’examen de ces mêmes papiers, et s’il avoit été droit en besogne il n’eût pas différé de les montrer au régent ni d’arrêter M. et Mme du Maine au même instant que l’ambassadeur d’Espagne au plus tard, et par cette diligence il eût prévenu la leur et eût saisi leurs papiers importants ; mais ce n’étoit pas son intérêt particulier de servir si bien l’État ni son maître, et le scélérat ne songea jamais qu’à soi.

Le mercredi 28 décembre, je fus mandé au Palais-Royal, pour l’après-dînée, par M. le duc d’Orléans, avec M. le Duc,

  1. Dans un lieu soumis à l’autorité de M. le Duc.