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vouloit vendre, et n’en voulut jamais ouïr parler, disant qu’il vouloit garder le régiment. Ce procédé parut tout à fait ridicule. Pezé outré, me pria de le représenter à M. le duc d’Orléans ; je le fis, mais le régent n’eut pas la force d’imposer, et Nangis ne me l’a jamais pardonné, dont je ne me souciai guère. La suite fera voir que la mauvaise humeur de Nangis ne tendoit qu’à rançonner le régent dans cette affaire.

Tout tournoit à la rupture avec l’Espagne, le duc de Saint-Aignan y étoit devenu odieux au cardinal Albéroni, et y étoit sur un pied fort triste. Il eut ordre de revenir. Comme ce n’étoit pas par sa faute que les affaires s’y brouilloient, j’obtins de M. le duc d’Orléans de le faire entrer en arrivant au conseil de régence, sans que M. de Saint-Aignan y eût songé. Le duc de Berwick, en retournant à son commandement de Guyenne, s’engagea au régent, d’accepter le commandement de l’armée qui devoit agir contre le roi d’Espagne sur cette frontière en cas de rupture. Il avoit la grandesse et la Toison ; son fils aîné établi avec l’une et l’autre en Espagne, y avoit épousé la sueur du duc de Veraguas non marié et sans enfants ; elle étoit dame du palais de la reine, et lui gentilhomme de la chambre du roi ; son père lui avoit cédé les duchés de Liria et de Quiriça dont il avoit eu le don avec la grandesse, après la bataille qu’il gagna contre les Impériaux et les Anglois à Almanza. On fut étonné qu’avec tant de liens qui devoient l’attacher au roi d’Espagne, il eût accepté un emploi pour lequel il n’étoit pas l’unique, et qui lui attira l’indignation de Leurs Majestés Catholiques, dont, pour toujours, quoi qu’on ait pu faire depuis, elles n’ont jamais du revenir, et qui nuisit fort pendant assez longtemps au duc de Liria son fils, quoiqu’il servît dans l’armée d’Espagne opposée à celle de son père. M. le duc d’Orléans aussi n’oublia jamais ce service du duc de Berwick. Il estimoit fort Asfeld, et Berwick qui l’estimoit et l’aimoit beaucoup aussi, le désiroit dans son armée. Le duc d’Orléans en parla à Asfeld,