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clair dans une affaire, et empêcher qu’elle ne fût étranglée, sans demander qu’on fût pour une partie ou pour l’autre, j’avois droit, justice et raison d’exiger qu’il fût de cet avis. Il eut peur de moi, et me promit d’en être.

M. le duc d’Orléans et tout le monde arrivé et en place, il dit à la compagnie qu’avant d’entamer aucune affaire, M. le garde des sceaux avoit à rendre compte d’une qui étoit provisoire, et qui regardoit M. l’archevêque de Rouen, et tout de suite se tournant au garde des sceaux, lui fit signe de parler. Argenson rapporta l’affaire avec tout l’art et toute la force qu’il y put mettre, pour l’archevêque, sans dire un seul mot des raisons des curés, et conclut, comme je l’avois prévu, à la cassation de l’arrêt, confirmation de la sentence de l’official de Rouen, tancement au moins des curés, et réprimande à la chambre qui avoit rendu l’arrêt. Dès qu’il eut cessé de parler, M. le duc d’Orléans dit : « Monsieur de Canillac, » qui voulut opiner, et qui étoit le dernier du conseil. Je l’interrompis à l’instant, et me tournant au régent, je lui dis que M. le garde des sceaux avoit parfaitement rapporté toutes les raisons de M. l’archevêque de Rouen. Je m’étendis un peu en louange sur la netteté et l’éloquence du rapport, mais j’ajoutai qu’étant aussi parfaitement instruits des raisons de l’archevêque, nous ne l’étions point du tout de celles des curés, par conséquent de celles de l’arrêt dont il s’agissoit, dont M. le garde des sceaux ne nous avoit pas dit un mot ; que, bonnes ou mauvaises, il falloit bien que la chambre des vacations du parlement de Rouen en eût eu pour rendre l’arrêt dont la plainte nous étoit portée ; qu’instruits d’un côté, point du tout de l’autre, nous n’étions pas en état de porter un jugement ; que par cette raison il me sembloit que ce n’étoit pas sur l’arrêt, dont nous ignorions les raisons, que nous pouvions opiner ; mais seulement si Son Altesse Royale l’avoit agréable, s’il étoit à propos, comme je le croyois, de demander à la chambre des vacations du parlement de Rouen les motifs qu’elle avoit