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Palais-Royal, le mardi 23 octobre, pour travailler avec M. le duc d’Orléans avant le conseil de régence qui se devoit tenir immédiatement après, je trouvai en descendant de carrosse l’archevêque de Rouen, qui attendoit le sien, tout agité et tout bouffi, si occupé qu’il ne me dit mot, à moi qui étois fort de sa connoissance, et bien avec lui depuis qu’il avoit été mon évêque à Noyon. Je passai mon chemin après l’avoir salué assez inutilement, dans la distraction où il était. Cela me fit soupçonner qu’il avoit quelque affaire pressante, dont il venoit apparemment de parler au régent, et conséquemment qu’il s’agissoit de quelque vexation sur la constitution.

Je contai, en arrivant, ma rencontre à M. le duc d’Orléans, et lui demandai si ce prélat l’avoit vu, et s’il savoit ce qui l’occupoit si fort. Il me dit qu’il sortoit d’avec lui ; qu’il étoit en effet fort en colère contre la chambre des vacations du parlement de Rouen, qui avoit reçu l’appel comme d’abus d’une interdiction de curés qu’elle avoit cassée ; que l’archevêque en demandoit justice, et qu’on en alloit parler tout à l’heure au conseil de régence. À la façon, quoiqu’en deux mots, dont M. le duc d’Orléans m’en parla, je le vis prévenu pour l’archevêque ; que le garde des sceaux l’en avoit entretenu, et que la cassation de l’arrêt, et la réprimande à la chambre qui l’avoit rendu, alloient passer d’emblée. Je ne dis mot, mais j’abrégeai mon travail et m’en allai du Palais-Royal descendre chez M. le Duc aux Tuileries, à qui je dis ce que je venois de voir et d’apprendre, et qu’il ne falloit pas laisser passer cette affaire sans y voir clair. Il fut du même sentiment, et me dit qu’il en parleroit à quelques-uns du conseil, avant qu’on prît place.

Je montai où il se tenoit pour les voir arriver. Je parlai au comte de Toulouse qui pensa de même, et à plusieurs autres que je mis de mon côté. Le duc de La Force, grand constitutionnaire de politique et de parti, voulut me résister. Je lui parlai ferme et net, et lui dis que, ne voulant que voir