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moralité et de capacité [1]. Grâce à ces réformes, que l’on dut surtout au chancelier de L’Hôpital, les inconvénients de la vénalité des offices de judicature furent atténués. La science et la vertu se transmirent avec les charges dans les familles parlementaires : les Lamoignon, les de Harlay, les Molé, pour ne citer que les plus illustres, datent de la fin du XVIe siècle.

Henri IV et son ministre Sully régularisèrent cette propriété des offices dans les familles parlementaires. Il fut décidé, en 1604, que les magistrats, pour en devenir propriétaires, payeroient chaque année un soixantième du prix de leur charge. Le premier fermier de cet impôt fut le financier Paulet, d’où vint à la taxe le nom de paulette. Le premier bail pour cet impôt fut conclu pour neuf ans, et rapporta au trésor deux millions deux cent soixante-trois mille livres (monnaie du temps). Antérieurement, pour que la vente d’un office fût valable, il falloit que celui qui le résignoit survécût quarante jours à la transaction. Henri IV déclara que, pour les offices dont les titulaires auroient payé la paulette, la mort n’entraîneroit point la déchéance ; les héritiers pouvoient disposer de la charge.

Au XVIIe siècle, la vénalité des charges fut plusieurs fois attaquée. Richelieu songea à la supprimer : « Il ne faut plus rétablir la paulette, dit-il dans ses Mémoires [2] ; il faut abaisser les compagnies, qui, par une prétendue souveraineté, s’opposent tous les jours au bien du royaume. » Colbert eut la même pensée, comme le prouve un mémoire qu’il présenta à Louis XIV en 1665 [3] ; mais comme son projet rencontra des résistances insurmontables, il sut se contenter des réformes qui pouvoient être immédiatement appliquées ; il diminua le prix des offices et en limita le nombre [4]. Malgré ces réformes, le prix des charges de judicature étoit encore très élevé : un office de président à mortier se vendoit trois cent cinquante mille livres ; les charges de maître des requêtes et d’avocat général, cent cinquante mille livres ; de conseiller au parlement, quatre-vingt-dix à cent mille livres ; de premier président de la chambre des comptes ; quatre cent mille livres ; de président de la même chambre, deux cent mille livres ; de maître des comptes, cent vingt mille livres [5].

Pendant la dernière partie du règne de Louis XIV, les abus de la vénalité des charges se renouvelèrent de la manière la plus scandaleuse, et Saint-Simon, qui retrace surtout l’histoire de cette période,

  1. Voy. art. 12 de l’ordonnance de Moulins (1566).
  2. Mémoires de Richelieu, liv. XX.
  3. Ce mémoire a été publié dans la Revuerétrospective, deuxième série, t. IV, p. 251 et suiv.
  4. Anciennes lois françaises, t. XVIII, p. 66.
  5. Anciennes lois françaises, ibidem. — Henri Martin, Histoire de France, (3e édit), t. XIV, p. 574.