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Mezières, bien avertie que la bâtarde avoit mis la main sur le riche magot du prince de Montbéliard, fit espérer sa protection et celle de ses amis, mais à des conditions. La princesse de Carignan, quoique d’une espèce bien différente par le mariage qu’elle avoit fait, n’étoit ni moins intrigante ni moins intéressée que tentes les deux ; elle entra de part avec elles moyennant sa protection. Ces deux femmes et leur suite donnèrent dans l’œil de la bâtarde ; elle sentoit bien qu’il lui falloit un crédit très supérieur pour réussir ; elle crut l’avoir trouvé, le marché se conclut. Les conditions furent une grosse somme comptant dès lors à la Mezières, et une moindre à Mme de Carignan, et le mariage arrêté entre le fils de la bâtarde et une fille de Mme de Montauban, qui n’auroit lieu qu’en cas de plein succès de l’affaire ; qu’on ne donneroit rien ou presque rien pour la dot ; mais que par le gain du procès, le bâtard, frère et mari tout à la fois de cette bâtarde, père et mère du gendre futur de Mme de Montauban, étant déclaré légitime et héritier de la comté de Montbéliard, par conséquent de la maison de Wurtemberg, la Mezières, tous les Rohan et Mme de Carignan lui feroient obtenir le rang de prince étranger ; et que, dès ce moment du marché, ils feroient tous leur propre affaire de la sienne. Ce marché étoit excellent pour toutes les parties, dont chacune y trouvoit merveilleusement son compte, mais les deux maîtresses intrigantes surtout, qui empochoient gros dès lors quoi qu’il pût arriver.

Les choses ainsi réglées, les protectrices du frère et de la sœur, mari et femme, leur firent prendre effrontément le nom, le titre, les armes et les livrées du feu prince de Montbéliard, leur père, avec un équipage sortable à ce nouvel état, qui de leur propre autorité préjugeoit le fond du procès. Tous les Rohan se mirent en pièces, Mme de Carignan remua tous les Luynes et fit agir la duchesse de Lévi, et Mme de Dangeau auprès du cardinal ; elle-même travailla auprès du garde des sceaux Chauvelin avec ses bassesses et