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depuis longtemps avec le meilleur et le plus grand monde. Par ces appuis le trésorier se maintint contre les cris de toute la province, qui alléguoit avec raison qu’il étoit inouï, chez les particuliers, que, par autorité supérieure, un trésorier empêchât son maître de le faire compter avec lui et de le renvoyer quand il le vouloit ; que cette liberté commune à tout le monde étoit la moindre chose qu’elle pût espérer en faveur, du moins, de ce qu’elle payoit au roi sans murmure, qui ne tendoit qu’à voir clair en ses affaires et en pouvoir charger qui bon lui sembleroit. Ces raisons étoient vraiment sans réplique, mais le crédit de Montaran l’emporta. Il n’est pas croyable à quel point la province en fut aigrie et l’usage qu’en surent tirer les instruments des menées, même envers les plus éloignés d’avoir connoissance ni part encore moins à ce qui se tramoit.

Milord Stanhope arriva de Madrid à Paris au commencement de septembre, peu content, comme on l’a pu voir, du voyage qu’un ministre d’Angleterre aussi accrédité que lui avoit pris la peine d’y faire, [au moment] où la flotte d’Amérique, très richement chargée, venoit d’arriver à Cadix. Ce ministre demeura trois semaines à Paris, où, conduit par l’abbé Dubois vendu à l’Angleterre, il vit souvent M. le duc d’Orléans, et s’en retourna reprendre sa place dans le conseil secret du roi son maître.

Cet abbé, plus puissant que jamais auprès du sien, n’y perdoit pas son temps pour sa fortune. [Être] conseiller d’État et entré dans le conseil des affaires étrangères, dont il ne lui laissoit que la plus grossière écorce, ne le satisfaisoit pas. Cette légère écorce le gênoit ; il lui importoit, pour son but du chapeau, que l’Angleterre et l’empereur le vissent maître unique, et sans fantômes de compagnons, de toutes les affaires étrangères. Law ne se trouvoit guère moins gêné du conseil des finances. Celui de la guerre étoit devenu une pétaudière, et dès qu’il étoit intérieurement résolu de laisser de plus en plus tomber le peu qu’il restoit