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contrat de mariage et s’ils se trouvoient à cette noce. Je le dis tout haut partout, et je m’espaçai sur le beau-père et le gendre sans aucune sorte de mesure. Cet éclat, qui fut le plus grand qu’il me fut possible, et qui mit un grand désordre dans une famille jusqu’alors toujours si intimement unie, et qui vivoit sans cesse ensemble, arrêta le mariage tout court pour un temps ; mais sans que je visse le duc de Lorges, qui se flattoit de me ramener par ses soeurs, et qui, dans l’embarras à mon égard de ne vouloir pas rompre ce beau mariage, n’osa se hasarder à me voir.

M. le duc d’Orléans, persuadé par ceux en qui il avoit le plus de confiance sur les finances, résolut de réduire à deux pour cent toutes les rentes. Cela soulageoit fort les débiteurs ; mais c’étoit un grand retranchement de revenu pour les créanciers qui, sur la foi publique, le taux approuvé et usité, et la loi des contrats d’emprunts, avoient prêté à cinq pour cent, et en avoient toujours paisiblement joui. M. le duc d’Orléans assembla au Palais-Royal plusieurs personnes de divers états de finance, et résolut enfin avec eux d’en porter l’édit. Il fit du bruit au parlement, qui résolut des remontrances. Aligre présidoit ce jour-là. Le premier président s’en étoit allé à sa campagne pour y faire, disoit-il, des remèdes. Il est vrai qu’il avoit eu une légère attaque d’apoplexie pour laquelle il avoit été un an auparavant à Vichy. Il fut bien aise d’éviter de se commettre avec M. le duc d’Orléans après la cruelle aventure qu’il avoit eue avec lui, mais sans quitter prise, et de laisser agir le parlement, qu’il sentoit bien comme tout le monde que l’imbécillité d’Aligre et le peu de cas qu’en faisoit la compagnie ne seroit pas capable de retenir. Mesmes, ravi de voir se préparer de nouvelles altercations entre le régent et le parlement, [leur] vouloit laisser la liberté de se reproduire sans y être présent, et ne revenir qu’ensuite pour y jouer son personnage accoutumé de modérateur et de compositeur entre sa compagnie et le régent, pour en tirer de l’argent ; ce qu’il ne désespéroit