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prouver des crimes, un auditeur de rote comme tout autre magistrat en subissoit la punition, mais instruite devant le pape et prononcée par lui, lequel étoit le souverain de Rome et de la rote, sous l’autorité et la protection duquel elle faisoit ses fonctions ; que de crimes ni même de mauvaise conduite, il ne craignoit point qu’on lui en pût imputer, encore moins prouver ; qu’il s’en tenoit là avec d’autant plus d’assurance qu’il n’avoit à répondre que devant le pape, de l’intégrité et de la bonté duquel il ne pouvoit prendre de défiance. À cette dépêche Dubois sauta en l’air ; mais quand il eut bien tempêté, il craignit de se commettre avec une cour dont il espéroit tout et de s’y rendre odieux. Il écouta donc volontiers ce qu’on lui voulut dire en faveur de l’abbé de Gamaches. Mais comme il désiroit passionnément aussi de tirer de Rome un homme qui lui pouvoit beaucoup nuire, et qui étoit sur les pistes de tous ses agents, car il en entretenoit trois ou quatre à Rome inconnus les uns aux autres, il lui offrit l’archevêché d’Embrun, vacant par la mort de Brûlart-Genlis, le plus ancien prélat de France, et un des plus saints et des plus résidents évêques. Gamaches, incapable d’abandonner ses vues, le refusa tout net, et déclara qu’il ne vouloit quitter ni Rome ni la rote ; mais profitant avec esprit de cet adoucissement, il fit le reconnoissant, offrit ses services à Dubois, et lui en rendit en effet pour le gagner et de fort bons. Avec tous ces manéges, il demeura auditeur de rote ; mais il en résulta un véritable scandale.

Jamais auditeur de rote n’avoit encore imaginé ne pouvoir être rappelé. C’est un tribunal où, non sans abus, il se porte des affaires, et souvent très considérables, de toutes les parties de la catholicité ; c’est pour cela qu’il est composé de juges de toutes les nations catholiques, et que chaque roi, ou république, même quelques villes qui l’ont été autrefois, ont la nomination du juge de sa nation. Ce juge est son sujet ; il cesse si peu de l’être par sa nomination, qu’il