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Dans le même temps que Dubois fut nommé à l’archevêché de Cambrai, on publia à son de trompe une ordonnance pour faire sortir en huit jours de toutes les terres de l’obéissance du roi tous les étrangers rebelles, qui, en conséquence, furent recherchés et punis avec la dernière rigueur. Ces étrangers rebelles n’étoient autres que des Anglois, et ce fut un des effets du voyage à Paris du comte Stanhope ; ce ne fut que l’exécution jusqu’alors tacitement suspendue d’une clause infâme du traité fait par Dubois avec l’Angleterre qui y gagnoit tout, et la France rien, rien que la plus dangereuse ignominie. Les François, depuis la révocation de l’édit de Nantes réfugiés en Angleterre, ne pouvoient donner la plus légère inquiétude en France, où personne n’avoit droit à la couronne que celui qui la portoit, et sa maison d’aîné mâle en aîné, et le réciproque stipulé par ce même traité ne pouvoit avoir d’application aux François, dont pas un n’étoit rebelle, ni opposé à la maison régnante. Ce réciproque n’étoit donc qu’un voile, ou plutôt une toile d’araignée pour faire passer, non l’intérêt des Anglois, mais celui du roi d’Angleterre et de ses ministres qui craignoient jusqu’à l’ombre du véritable et légitime roi, bien que confiné à Rome, et des Anglois de son parti, ou qui par mécontentement favorisoient ce parti sans se soucier du parti même. La cour sentoit que quelque éloignement qu’eût toute la nation anglaise de revoir sur le trône le fils d’un roi catholique qu’elle avoit chassé, d’un roi qui avoit attaqué tous leurs privilèges, un roi élevé en France qui avoit pris les leçons du roi son père, qui y avoit été nourri au milieu de l’exercice le plus constant et le moins contredit du pouvoir plus qu’absolu, la nation toutefois ne désiroit pas l’extinction de sa famille, sentoit la justice de son droit, vouloit y trouver un appui, et de quoi montrer sans cesse à la maison d’Hanovre que son élévation sur le trône n’étoit que l’ouvrage de sa volonté qui également la pouvoit chasser, et bien plus justement qu’elle n’avoit ôté la couronne aux Stuarts, et tenir