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le ménageois guère avec M. le duc d’Orléans, sur ses vues du cardinalat et sur son abandon dans les affaires à ce qui convenoit aux Anglois et à l’empereur, par lesquels il comptoit d’arriver à la pourpre romaine. Comme il redoutoit ma liberté, ma franchise, ma façon de parler à M. le duc d’Orléans qui lui faisoit de fréquentes impressions, quoique je m’en donnasse assez rarement la peine, et qu’il avoit celle de les effacer, il revenoit à moi de temps en temps, me ménageoit, me courtisoit, toujours pourtant détournant tant qu’il pouvoit la confiance de M. le duc d’Orléans en moi, qu’il resserroit sans cesse, mais qu’il ne pouvoit arrêter totalement ni même longtemps, quoique, comme je l’ai dit, je me retirasse beaucoup par le dégoût de tout ce que je voyois. Ainsi nous étions bien en apparence quelquefois, et souvent mal.

Ce sacre devoit être magnifique, et M. le duc d’Orléans y devoit assister. J’en dirai quelques mots dans la suite. Plus la nomination et l’ordination de l’abbé Dubois avoit fait de bruit, de scandale et d’horreur, plus les préparatifs superbes de son sacre les augmentoient, et plus l’indignation en éclatoit contre M. le duc d’Orléans. Je fus donc le trouver la veille de cet étrange sacre, et d’abordée je lui dis ce qui m’amenoit. Je le fis souvenir que je ne lui avois jamais parlé de la nomination de l’abbé Dubois à Cambrai, parce qu’il savoit bien que je ne lui parlois jamais des choses faites ; que je ne lui en parlerois pas encore, si je n’avois appris qu’il devoit aller le lendemain à son sacre ; que je me tairois avec lui de la façon dont il se faisoit, telle qu’il ne pourroit mieux, si l’usage étoit encore de faire des princes du sang évêques, et qu’il fût question de son second fils, parce que je regardois cela comme chose déjà faite, mais que mon attachement pour lui ne me permettoit pas de lui cacher l’épouvantable effet que faisoit universellement une nomination de tous points si scandaleuse, une ordination si sacrilège, des préparatifs de sacre si inouïs pour un homme