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qui au bout de deux ans se vit forcé de se retirer ; ce fut aussi le premier commencement de la fortune de ces frères Pâris. Les munitionnaires en chef les récompensèrent, leur donnèrent de l’emploi, et, par la façon dont ils s’en acquittèrent, les avancèrent promptement, leur donnèrent leur confiance, et leur valurent de gros profits ; enfin ils devinrent munitionnaires eux-mêmes, s’enrichirent, vinrent à Paris chercher une plus grande fortune, et l’y trouvèrent. Elle devint telle dans les suites, qu’ils gouvernèrent en plein et à découvert sous M. le Duc, et qu’après de courtes éclipses, ils sont redevenus les maîtres des finances et des contrôleurs généraux, et ont acquis des biens immenses, fait et défait des ministres et d’autres fortunes, et ont vu la cour à leurs pieds, la ville et les provinces.

Le roi vint pour la première fois au conseil de régence, le dimanche 18 février. Il ne dit rien en y entrant ni pendant le conseil, ni en sortant, sinon que M. le duc d’Orléans, lui ayant proposé d’en sortir, de peur qu’il ne s’y ennuyât, il voulut y demeurer jusqu’à la fin. Depuis il ne vint pas à tous, mais assez souvent, toujours jusqu’au bout, et sans remuer ni parler. Sa présence ne changea rien à la séance, parce que son fauteuil y étoit toujours seul au bout de la table, et que M. le duc d’Orléans, le roi présent ou non, n’avoit qu’un tabouret pareil à ceux de tout ce qui y assistoit. Le maréchal de Villeroy ne changea point sa séance accoutumée. Peu de jours après le duc de Berwick y entra aussi ; on en murmura dans le monde, parce qu’il étoit étranger ; mais cet étranger se trouvoit nécessairement proscrit, expatrié, naturalisé François, en France depuis trente-deux ans, dans un continuel service, duc, pair, maréchal de France, grand d’Espagne, général des armées des deux couronnes, et une fidélité plus qu’éprouvée ; de plus, pour ce qui se passoit alors au conseil de régence, n’importoit plus qui en fût ; nous étions déjà quinze, il fit le seizième. Une fois que le roi y vint, un petit chat qu’il avoit le suivit,