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sans pareil, grand et fort bien fait, et qui en soit user avec peu de contrainte, riche et de la lie du peuple, qui, à la faveur du petit collet, voulut s’accrocher à la cour ; son nom est Guérapin, et son état premier franc galopin. Ségur, maître de la garde-robe de M. le duc d’Orléans, et qui depuis a bien poussé sa fortune, épousa la bâtarde non reconnue de M. le duc d’Orléans et de la comédienne Desmares ; ce prince lui donna de l’argent, et la survivance du gouvernement du pays de Foix qu’avoit son père qui étoit lieutenant général et grand’croix de Saint-Louis. Il avoit acheté ce gouvernement du maréchal de Tallard à qui le feu roi l’avoit donné à vendre. Il avoit perdu une jambe à la guerre, et étoit encore, à près de quatre-vingts ans, beau et bien fait. C’est ce mousquetaire qui jouoit si bien du luth dont on a vu en son lieu l’aventure avec l’abbesse de La Joie, sœur du duc de Beauvilliers. Ces différentes grâces arrivées, lors de la survivance du duc de Mortemart, m’ont emporté trop loin. Rétrogradons maintenant deux bons mois ; on y verra des choses plus importantes.

Il y faut pourtant ajouter le gouvernement de Douai au marquis d’Estaing, lieutenant général qui avoit servi en Italie et en Espagne sous M. le duc d’Orléans, et qu’il aimoit et estimoit fort avec raison, qui vaquoit par la mort du vieux Pomereu, lieutenant général, ancien capitaine aux gardes, frère du feu conseiller d’État, et au conseil royal des finances. Dernière bagatelle : Mme la duchesse d’Orléans qui s’étoit tenue sous clef depuis le lit de justice, s’en ennuya enfin, et rouvrit ses portes et son jeu à l’ordinaire. Retournons maintenant sur nos pas.