Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 17.djvu/416

Cette page n’a pas encore été corrigée

d’un huissier de la chambre, mais elle avoit un vrai mérite, et quoique le mari de sa fille ne fût qu’écuyer de la grande écurie, il ne laissoit pas d’être homme de qualité, et de même nom que MM. de Matignon. D’ailleurs elle avoit été élevée auprès des filles de M. le duc d’Orléans, qui l’aimoient toutes beaucoup. Pour Mme de Bacqueville, il n’y eut personne qui n’en fût scandalisé. À la vérité, elle étoit fille de M. de Châtillon, chevalier de l’ordre, premier gentilhomme de la chambre de Monsieur, etc., mais comme elle n’avoit rien, on l’avoit mariée à ce Bacqueville qui étoit riche, mais le néant. Son nom est Boyvin. Son père, qui s’appeloit Bonnetot, étoit premier président de la chambre des comptes de Rouen, d’une avarice sordide, dont le père étoit un fermier laboureur en son jeune temps, qui s’étoit enrichi au commerce des blés. Ce Bacqueville voulut être homme d’épée ; son mariage lui valut un régiment. Il y montra de la valeur, mais tant d’avarice et de folies qu’il fut cassé. Il se brouilla bientôt avec sa femme à qui il ne donnoit rien, et qu’il accabloit d’extravagances ; qui les fit séparer. Il n’en a pas moins fait depuis dans l’obscurité où il est tombé. Sa sœur avoit épousé Aligre, président à mortier, dont elle a été la seconde femme. Je ne sais ce qu’on donna à ces dames pour leur voyage. La duchesse de Villars eut cent mille francs. Son choix fut une nouveauté ; jamais duchesse n’avoit conduit de princesse du sang. Cet honneur jusqu’alors avoit été réservé aux filles de France et aux petites-filles de France depuis qu’il y en eut ; mais c’étoit la fille du régent qui venoit de faire duc et pair le beau-père de la duchesse de Villars et son mari par conséquent, dont on a vu l’histoire ici en son lieu, et le duc de Brancas, presque tous les soirs des soupers de M. le duc d’Orléans, et familièrement bien avec lui de toute sa vie. Mme la grande-duchesse [de Toscane] embrassant la princesse de Modène pour lui dire adieu : « Allez, mon enfant, lui dit-elle, et souvenez-vous de faire comme j’ai fait ; ayez un enfant ou deux, et faites si bien que vous reveniez en France ;