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la mort de ses deux frères sans alliance, tués tous deux à la bataille de Fleurus. À ces grands biens, il en venoit d’ajouter de plus considérables depuis peu d’années par l’héritage entier de tous ceux du président de Maisons. Ce Soyecourt en masque et vilain en effet, étoit donc extraordinairement riche et avoit de très belles terres. Mme de Feuquières, veuve de celui qui a laissé de si bons Mémoires de guerre, avoit des affaires si délabrées qu’elle avoit été réduite à se mettre ainsi en condition pour vivre, et pour une protection qui lui aidât à débrouiller les biens de la maison d’Hocquincourt, dont elle étoit aussi la dernière et l’héritière, et ceux de la maison de Pas, dont sa fille étoit aussi la dernière et l’héritière, le frère de son père étant cadet, qui avoit épousé la fille de Mignard, peintre célèbre, pour sa beauté, qui avoit plus de quatre-vingts ans, et qui n’avoit point eu d’enfants. Il y avoit de grands restes et bons dans ces deux successions, mais il falloit du temps, de la peine, du crédit, de l’argent pour les liquider et en jouir ; et c’est ce qui faisoit, en attendant, mourir de faim Mme et Mlle de Feuquières et la marier comme elle le fut. Ainsi ce Seiglière, car c’étoit le nom de la famille de ce faux Soyecourt, joignit encore les biens de ces deux maisons à ceux dont il avoit déjà hérité. On le marqua encore ici à dessein de montrer de plus en plus le désastre, l’ignominie, la déprédation des mésalliances si honteuses des filles de qualité dont on croit se défaire pour leur noblesse sans leur rien donner, et dont le sort ordinaire est de porter tous les biens de leurs maisons, dont elles deviennent héritières, par une punition marquée, à la lie qu’on leur a fait épouser, en victimes de la conservation de tous ces biens à leurs frères qui meurent sans postérité. Pour rendre complet le malheur de ce mariage, Soyecourt avec de l’esprit, de la figure, de l’emploi à la guerre, se perdit de débauches, de jeu, de toutes sortes d’infamies, tellement que, de juste frayeur des arrêts qui le pouvoient conduire au gibet, il sortit de France peu d’années après, se