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La place de contrôleur général que Law occupoit si nouvellement ne le mit pas à l’abri du pistolet sur la gorge, pour ainsi dire, de M. le prince de Conti. Plus avide que pas un des siens, et que n’est-ce point dire ? il avoit tiré des monts d’or de la facilité de M. le duc d’Orléans, et d’autres encore de Law en particulier. Non content encore, il voulut continuer. M. le duc d’Orléans s’en lassa, il n’étoit pas content de lui. Le parlement recommençoit sourdement ses menées : elles commençoient même à se montrer, et le prince de Conti s’intriguoit à tâcher d’y faire un personnage indécent à sa naissance, peu convenable à son âge, honteux après les monstrueuses grâces dont il étoit sans cesse comblé. Rebuté par le régent, il espéra mieux de Law ; il fut trompé en son attente ; les prières, les souplesses, les bassesses, car rien ne lui coûtoit pour de l’argent, n’ayant rien opéré, il essaya la vive force, et n’épargna à Law ni les injures ni les menaces. En effet, il lui, fit une telle peur : le prince de Conti, ne pouvant lui pis faire pour renverser sa banque, y fut avec trois fourgons qu’il ramena pleins d’argent pour le papier qu’il avoit, que Law n’osa refuser à ses emportements, et manifester par ce refus la sécheresse de ses fonds effectifs. Mais craignant d’accoutumer à ces hauteurs et à cette tyrannie un prince aussi insatiable, il ne le vit pas plutôt parti avec son convoi, qu’il en fut porter ses plaintes à M. le duc d’Orléans. Le régent en fut piqué ; il sentit les dangereuses suites et le pernicieux exemple d’un procédé si violent à l’égard d’un étranger sans appui qu’il venoit de faire contrôleur général bien légèrement. Il se mit en colère, envoya chercher le prince de Conti, et contre son naturel lui lava si bien la tête qu’il n’osa branler, et eut recours aux pardons ; mais outré d’avoir échoué, peut-être plus encore que de la plus que très verte réprimande, il eut recours au soulagement des femmes. Il se répandit en propos contre Law, qui ne lui firent plus de peur et moins de mal encore, mais qui firent peu d’honneur à M. le prince