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soutenu d’aucune qualité personnelle, glorieux à l’excès, et qui avoit persuadé M. le Duc qu’il étoit, comme on dit, de la côte de saint Louis. Moyennant ce caquet sa belle-soeur eut la place ; ils en avoient grand besoin, car ils n’avoient pas de chausses ; et voilà comme l’excès de l’orgueil et de la bassesse s’accommodent presque toujours.

La singularité du personnage et d’un événement arrivé en ce même temps, mérite de n’être pas oubliée. L’abbé d’Entragues étoit un homme qui avoit été extrêmement du grand monde ; il n’étoit rien moins que Balzac ; je ne sais d’où ce nom d’Entragues leur étoit venu, car les Balzac sont fondus dans les Illiers. Le nom de celui-ci étoit Crémeaux, gentilhomme, tout ordinaire, du côté de Lyon ; ce qui les mit au monde fut le mariage de son frère avec la sœur utérine de Mine de La Vallière, maîtresse du roi, du nom de Courtalvel, de la plus petite noblesse. Le père de cette sœur s’appeloit Saint-Remy, premier maître d’hôtel de Gaston frère de Louis XIII. Il épousa la veuve de La Vallière, qui s’appeloit Le Prévost, et qui n’étoit rien, veuve en premières noces de Bernard-Rezay, conseiller au parlement, dont elle n’avoit point eu d’enfants. De La Vallière elle eut la maîtresse du roi, et le grand-père du duc de La Vallière d’aujourd’hui ; de son dernier mari, cette Mme d’Entragues, belle-soeur de l’abbé dont il s’agit.

La différence d’une mère avouée que n’avoient pas les enfants de Mme de Montespan, et l’attachement dont Mme la princesse de Conti se piqua toujours pour sa mère et pour tous ses parents, les distingua. Ce fut donc la protection de Mme d’Entragues, propre tante de Mme la princesse de Conti qui introduisit chez elle l’abbé d’Entragues. Elle aima toujours beaucoup Mme d’Entragues, qui étoit aussi fort aimable par son esprit fait pour le grand monde dont elle fut toujours. De là, l’abbé d’Entragues se mit dans les bonnes compagnies dont il avoit le ton et le langage, avec une plaisante singularité, qui le rendoit encore plus amusant, qui étoit