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guerre et ses projets, dont les prodigieux préparatifs avoient entièrement achevé d’épuiser l’Espagne sans l’avoir pu mettre en état de tenir un moment contre toute l’Europe, neutre ou alliée pour soutenir l’empereur en Italie, qui à la fin y gagna Naples, la Sicile et quelques restes de la Lombardie qu’il n’y possédoit pas.

Albéroni abhorré en Espagne en tyran cruel de la monarchie qu’il s’approprioit uniquement, en France, en Angleterre, à Rome, et par l’empereur comme un ennemi implacable et personnel, sembloit n’avoir pas la moindre inquiétude. Il étoit pourtant impossible que le roi et la reine d’Espagne ignorassent les malheurs de leurs troupes et de leur flotte en Sicile, le danger prochain de la révolution de Naples, l’impossibilité de réparer tant de pertes, et de soutenir avec les seules forces de l’Espagne, qui n’en avoit plus aucune, toutes celles de l’empereur, de la France et de l’Angleterre, même la Hollande, unies, et les cris du pape et de toute l’Italie. Le régent et l’abbé Dubois, qui n’avoient que trop de raisons de regarder depuis longtemps Albéroni comme leur ennemi personnel à chacun d’eux, étoient sans cesse sourdement occupés des moyens de sa chute ; ils crurent ce moment favorable, ils surent en profiter. Le comment, c’est le curieux détail qui n’est pas venu jusqu’à moi, et qui mérite d’être bien regretté. M. le duc d’Orléans a survécu Dubois de trop peu de mois pour que j’aie pu ressasser avec lui beaucoup de choses, et celle-ci est une de celles que je n’ai point mises sur le tapis depuis que sa confiance me fut rouverte, entraîné par le courant et par d’autres choses, et comptant toujours d’avoir le temps d’y revenir. Tout ce que j’ai su avec connoissance par M. le duc d’Orléans dans le temps même, mais en deux mots, et depuis en Espagne, sans y avoir trouvé plus d’éclaircissement et de détails, c’est ce qu’on a vu dans ce qui a été rapporté ici de Torcy, qu’Albéroni avoit toujours redouté, [et qui] lui arriva. Il trembloit du moindre Parmesan qui arrivoit à