Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 17.djvu/353

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sur sa tête la rouge des mains du roi, après quoi il lui fit une profonde révérence, et quelques mots de remercîment. Alors M. le duc d’Orléans l’appela M. le cardinal, lui fit son compliment, et ce qui étoit dans la chambre. Tout cela fut extrêmement court : nous fîmes tous deux la révérence, et nous nous en allâmes. Le cardinal se contint tant qu’il put ; mais il ne touchoit pas à terre. Je le remenai chez lui au bout du Pont-Royal. Ainsi finit cette longue et mystérieuse affaire.




CHAPITRE XVII.


Sécheresse où ces Mémoires vont tomber, et ses causes. — Chute du cardinal Albéroni qui se retire en Italie. — Dona Laura Piscatori nourrice et assafeta de la reine d’Espagne. — Son caractère. — Albéroni arrêté en chemin, emportant le testament original de Charles II et quelques autres papiers importants, qu’il ne rend qu’à force de menaces. — Joie publique en Espagne de sa chute, et dans toute l’Europe. — Marcieu garde honnêtement à vue le cardinal Albéroni jusqu’à son embarquement à Marseille, qui ne reçoit nulle part ni honneur ni civilité. — Sa conduite en ce voyage. — Folles lettres d’Albéroni au régent sans réponse. — Aveuglement étrange de souffrir dans le gouvernement aucun ecclésiastique, encore pis des cardinaux. — Cause de la rage d’Albéroni. — But de tout ministre d’État ecclésiastique ou qui parvient à se mêler d’affaires. — Disposition du roi très différente, et sa cause, pour M. le duc d’Orléans et pour l’abbé Dubois, également haïs du maréchal de Villeroy et de l’évêque de Fréjus. — Conduite de tout cet intérieur. — M. le duc d’Orléans résolu de chasser le maréchal de Villeroy et de me faire gouverneur du roi. — Il me le dit. — Je l’en détourne.


Nous voici arrivés à une époque bien curieuse ; mais quel dommage que Torcy n’ait pas poussé plus loin qu’il n’a fait le recueil des extraits des lettres que le secret de la poste lui