Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 17.djvu/352

Cette page n’a pas encore été corrigée

par l’une le presser de signer en termes qui flattassent son orgueil, y ajouter que ce n’étoit point comme condition que la signature lui étoit demandée, et que, signant ou refusant, il pouvoit venir, quand il voudroit, recevoir sa calotte des mains du roi ; par l’autre lettre lui mander qu’il falloit signer nettement et sur-le-champ ou compter qu’il demeureroit exilé et sans calotte pour toujours ; l’une pour lui faire un sauve-l’honneur qu’il pût montrer, et donner en même temps plus de poids ici et à Rome à sa signature ; l’autre pour lui parler François et lui serrer le bouton par son plus sensible et à découvert. L’abbé Dubois goûta l’expédient, le fit approuver par M. le duc d’Orléans, qui écrivit les deux lettres. Languet, évêque de Soissons, si outré que l’archevêque lui eût pris son chapeau, eut le goupillon de le lui aller assurer ; il porta les deux lettres à l’archevêque, qui empocha l’une et se para de l’autre. Il signa tout de suite, et se hâta d’accourir jouir en plein de son cardinalat.

Toute difficulté étant ainsi levée, je menai le cardinal, mais encore en calotte noire, à M. le duc d’Orléans. L’accueil fut très gracieux ; le régent lui dit qu’il prendroit le lendemain les ordres du roi pour le jour et l’heure de lui donner la calotte. Je ne vis jamais homme si transporté de joie de se voir enfin au bout de ses longs et persévérants travaux. Ce fut donc le surlendemain que j’allai prendre l’archevêque chez lui sur les dix heures du matin ; je le menai dans mon carrosse aux Tuileries. Comme il étoit archevêque de Reims, cardinal ou non, je n’avois point d’embarras avec lui : nous fûmes aussitôt introduits dans le cabinet du roi, qui y étoit seul avec M. le duc d’Orléans, le maréchal de Villeroy, M. de Fréjus et deux ou trois autres. M, le duc d’Orléans le présenta au roi, ne le nommant qu’archevêque, mais ajoutant ce qui l’amenoit avec quelques propos obligeants. Aussitôt l’archevêque qui avoit à la main sa calotte rouge, la présenta au roi, ôta la noire qu’il avoit sur la tête, se baissa tout le plus bas qu’il lui fut possible, et reçut