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ni aucune marque sur soi, à ses armes, ni dans ses titres, jusqu’à ce qu’il eût reçu la calotte des mains du roi, retourner aussitôt à Reims, et ne point sortir de son diocèse sans être mandé ; de n’écrire à personne en France que dans son style ordinaire, et ne signer que l’archevêque duc de Reims. Néanmoins permis à lui d’écrire aux étrangers hors du royaume en cardinal, et de signer ces lettres-là : le cardinal de Mailly. C’étoit là un si grand pas que j’en demeurai étourdi. Je me jetai dans les remercîments, et je ne sortois point d’étonnement d’en trouver si peu dans l’archevêque. Je l’attribuai à sa vanité, et n’imaginai jamais qu’il eût en entrant la plus légère idée de ce qui se passeroit, tandis qu’intérieurement il se moquoit de ma simplicité, et sûrement M. le duc d’Orléans beaucoup davantage ; et je ne sus avoir été joué de la sorte que des années après que le roi eut donné la calotte au cardinal de Mailly.

Achevons tout de suite ce qui regarde ce cardinal presque éclos jusqu’à ce qu’il le soit tout à fait, pour n’avoir pas à revenir à une matière et à un personnage qui n’a guère d’autre part en celles de ces Mémoires que sa promotion. Dubois, résolu de profiter de sa situation, le laissa languir cinq mois dans son diocèse dans cet état amphibie, en attendant une occasion utile de l’en tirer et le préparer cependant par l’ennui et l’impatience, à se rendre flexible à tout ce qu’il pourroit en exiger. De temps en temps je pressois le régent de finir sa peine ; il me répondoit qu’à la façon dont l’archevêque s’étoit fait cardinal, il n’avoit pas à se plaindre d’un délai et d’un séjour dans son diocèse, qui le laissoit cardinal au dehors du royaume, et qui lui répondoit enfin d’obtenir sûrement sa calotte des mains du roi. Je sentois cette vérité peut-être plus encore que ne faisoit celui qui me la disoit. Je laissois un intervalle, puis je demandois quand cet état finiroit ; à la fin j’obtins, à ce que je crus, le retour de l’archevêque et qu’en arrivant, la calotte lui seroit donnée, et je me remerciois de ce que mon éloquence et ma