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succès. J’ignorois pleinement l’abbé Dubois gagné et auteur du voyage, qu’il avoit tout aplani en telle sorte que le régent n’attendoit que la première confidence de l’arrivée de l’archevêque et l’accompagnement de quelques propos là-dessus, pour en venir à la composition résolue entre l’abbé Dubois et lui. Ce fut donc sans peine, et avec grand étonnement, que je crus obtenir que M. le duc d’Orléans verroit l’archevêque, recevroit ses respects, ses pardons, ses excuses, lui prescriroit ses volontés et les conditions sous lesquelles, après un délai raisonnable, il lui permettroit d’être cardinal. Celle que M. le duc d’Orléans mit pour lors fut que je lui amènerois le lendemain, entre six et sept heures du soir, l’archevêque par les derrières, que je serois seul en tiers, et que l’archevêque viendroit et s’en retourneroit seul avec moi dans mon carrosse, et sans flambeaux.

Je crus avoir remporté une incroyable victoire, et j’admirois avec quelle facilité La Vrillière, à qui je la contai, n’en pouvoit revenir, et trouvoit mon crédit suprême. Mailly joua en apparence le même personnage que La Vrillière faisoit tout de bon, et il est vrai que je m’en applaudissois, quoique j’y sentisse toute la faiblesse de M. le duc d’Orléans, mais sans me douter le moins du monde de l’influence de l’abbé Dubois. Je menai donc l’archevêque au régent avec le mystère qui m’avoit été prescrit. Tous deux d’abord parurent embarrassés l’un de l’autre. Je me mis de la conversation en chancelier de l’archevêque. Ils se remirent et parlèrent convenablement tous deux. J’avois fort fait le bec à l’archevêque, dont je craignois la hauteur et l’indiscrète vivacité autre panneau où je tombai encore. Il avoit pris sa leçon de Dubois même par l’abbé de La Fare que je ne vis ni n’aperçus jamais dans toute cette affaire, que longtemps après cette présentation. Les propos finis, M. le duc d’Orléans déclara à l’archevêque les conditions auxquelles il voulut qu’il se soumît pour arriver au consentement du roi d’accepter publiquement la pourpre : n’en porter ni la qualité, ni calotte,