Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 17.djvu/327

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se dégoûta tellement qu’il fit trouver bon au roi qu’il lui remît l’évêché de Murcie, et qu’il se retirât à Rome. Il y fut comme à Murcie, sujet très attaché à son roi, chargé même de ses affaires dans des entre-temps, et y a eu part dans tous, et sa vertu qui surnagea toujours aux lumières, surtout politiques, lui acquit une vénération, et même pendant toute sa longue vie une considération que celles-ci ne peuvent atteindre, quoique plus dans leur centre en cette capitale du monde que partout ailleurs.

Salerne étoit un jésuite italien du royaume de Naples, transporté je ne sais par quelle aventure en Allemagne, ni par quelle autre fort bien dans les bonnes grâces de Frédéric-Auguste, électeur de Saxe, en la conversion duquel il eut beaucoup de part ; mais je ne sais s’il y eut plus de peine que le Tencin à celle de Law. L’électeur de Saxe vouloit être roi de Pologne, et il ne pouvoit être élu sans être catholique. Nul sujet du duché de Saxe ne pouvoit embrasser la religion catholique sans perdre à l’instant tous les biens qu’il y possédoit. La qualité de chef et de protecteur né de tous les protestants d’Allemagne est attachée à la dignité d’électeur de Saxe, qui est chargé de tous leurs griefs, de les faire redresser, de leur faire maintenir et rétablir tout ce que les diverses paix et pacifications leur ont accordé. Un titre qui a des fonctions si continuelles et si importantes, et qui le met à la tête du corps protestant, et en moyen de le mouvoir, lui donne la première considération dans l’Empire et dans toute l’Allemagne, et une autorité et un crédit qui le fait fort ménager par tous les souverains d’Allemagne et beaucoup par les empereurs. Auguste ne vouloit pas perdre de si grands avantages ni se commettre avec ses propres États passionnés pour le luthéranisme. Son domestique n’étoit pas plus aisé sur ce point. Le détail de cette grande affaire n’appartient point à ces Mémoires. Il s’y faut contenter de l’exposition du fait, et de dire qu’Auguste fut assez habile ou assez heureux pour concilier des choses si fort opposées. Il fut catholique et roi de