Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 17.djvu/316

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tous les temps, et lui acquerroit de plus une grande facilité pour une étude plus sérieuse, plus suivie, et plus liée de l’histoire, parce qu’il s’y trouveroit partout avec gens de sa connoissance depuis Louis XI, et cela sans le dégoût du cabinet et de l’étude, et en se promenant et s’amusant. M. de Fréjus me témoigna être charmé de cet avis, et le goûter extrêmement. Toutefois il n’en fit rien, et dès lors je compris ce qui arriveroit de l’éducation du roi, et je ne parlai plus à M. de Fréjus de portraits ni de galerie, où les valets du maréchal de Villeroy demeurèrent tranquillement.

Il témoignoit à Pezé beaucoup d’amitié. Pezé, qui me voyoit fort en liaison avec lui, me proposa de chercher à le faire cardinal ; si de lui-même, ou si le prélat lui en avoit laissé sentir quelque chose, je ne l’ai point démêlé. C’étoient deux hommes extrêmement propres à s’entendre et à se comprendre sans s’expliquer. Pezé vouloit que ce fût à l’insu de M. le duc d’Orléans ; car la chose ne pouvant s’acheminer promptement, l’abbé Dubois pouvoit croître en attendant, peut-être quelque autre qui auroit barré Fréjus. Réflexion faite, je crus pouvoir tâter le pavé, et me conduire suivant ce que je trouverois. On a vu ici en son lieu l’étroite liaison où j’avois été avec le nonce Gualterio. Depuis sa promotion au cardinalat et son départ tout de suite, nous étions en usage de nous écrire toutes les semaines, et assez souvent en chiffre. Je le dis à Pezé, et que je sonderois le gué par cette voie, non que le cardinal Gualterio fût en crédit à Rome bastant pour s’en servir ; mais il étoit fort au fait de tout, et propre à indiquer et à conduire. Cette menée dura plusieurs mois sans beaucoup de moyens ni d’apparence, jusqu’à ce que Pezé me pria de la part de Fréjus d’abandonner l’affaire qu’il avoit reconnue impossible à cacher au régent jusqu’au bout, et qui pourroit lui tourner à mal ; le rare est que jamais il ne m’en a parlé qu’une fois unique, qui fut pour me dire lui-même ce que Pezé m’avoit dit de sa part, et me remercier à merveilles sans jamais