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frère aîné de Pezé, avoit du bien, mais pour soi seul, et plantoit ses choux chez lui. Leur grand-père avoit épousé la fille aînée d’Artus de Saint-Gelais, seigneur de Lansac et d’une fille du maréchal de Souvré dont la famille s’étoit crue heureuse de se défaire honnêtement de la sorte par la disgrâce de son corps, et le mari qui la prit s’estima très honoré de faire cette alliance à quelque prix que ce fût. L’autre fille de M. et de Mme de Lansac épousa Louis de Prie, seigneur de Toucy, et de ce mariage vint Mme de Bullion, grand-mère de Fervaques, chevalier de l’ordre en 1724, et la maréchale de La Mothe, laquelle étoit ainsi cousine germaine du père de Pezé, et lui, par conséquent, issu de germain des duchesses d’Aumont, mère du duc d’Humières, de Ventadour et de La Ferté, toutes trois filles de la maréchale de La Mothe. Cette alliance si proche le tira du régiment des gardes où il étoit entré en sortant de page, et le fit gentilhomme de la manche du roi. C’étoit un jeune homme de figure commune avec beaucoup d’esprit et de physionomie, plein de manèges, d’adresses, de finesse, de ressources dans l’esprit, liant et agréable, le ton du grand monde et de la bonne compagnie où il étoit agréable et bien reçu, et d’une ambition qui lui fit trouver toutes sortes de talents pour arriver à la plus haute fortune. Il fit si bien qu’il persuada au monde que le roi l’avoit pris en amitié, que cette raison le fit compter, lui acquit des amis considérables à qui il ne manqua jamais en aucun temps, et lui fraya le chemin à tout. Je crois avoir reçu la dernière lettre qu’il ait jamais écrite ; il m’a vu toujours très soigneusement et m’a toujours parlé de tout à cœur ouvert. On a vu en son temps que le duc d’Humières fit que je lui fis obtenir le gouvernement de la Muette dès que le roi eut cette maison, puis le régiment du roi quand Nangis eut la permission de le vendre, et Pezé ne l’oublia jamais. Enfin Nangis, lassé de ne point vendre, chercha à profiter du désir de Pezé et de l’incroyable facilité de M. le duc d’Orléans, à laquelle je n’eus point de part,