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du monde et des femmes, une famille qui faisoit elle-même le grand monde, une valeur brillante et les propos d’officier niais sans esprit et sans talent pour la guerre, une ambition de toutes les sortes et de cette espèce de gloire sotte et envieuse qui se perd en bassesses pour arriver, a longtemps fait une figure flatteuse et singulière par l’élévation de ses heureuses galanteries et par le grand vol des femmes, du courtisan, de l’officier. Ce groupe tout ensemble forma un nuage qui le porta longtemps avec éclat, mais qui, dissipé par l’âge et par les changements, laissa voir à plein le tuf et le squelette. Il avoit le régiment d’infanterie du roi, qui sous le feu roi étoit un emploi de grande faveur, et qui sembloit devoir mener à la fortune par les distinctions et l’affection particulière qu’il donnoit à ce régiment par-dessus tout autre, et par les privances attachées à l’état du colonel qui travailloit directement avec le roi sur tous les détails de ce corps, sur lequel nul inspecteur ni le secrétaire d’État de la guerre n’avoient rien à voir. Après la mort du roi, l’âge de son successeur et l’incertitude éloignée du goût et du soin qu’il prendroit de ce régiment dégoûtèrent Nangis. On a vu ici en son temps qu’il le voulut vendre au duc de Richelieu, puis à Pezé, et de quelle façon capricieuse et pire il cessa de le vouloir vendre. Il ne lui avoit rien coûté, non plus qu’à ses prédécesseurs, et le vendre étoit une grâce que M. le duc d’Orléans auroit bien pu, pour ne pas dire dû, se passer de lui faire. On a vu aussi en son lieu comment et pourquoi j’y étois fort entré pour Pezé, auquel il faut venir maintenant, aux dépens peut-être de quelque répétition, pour mettre mieux le tout ensemble.

Pezé étoit du pays du Maine, bien gentilhomme mais tout simple, parent éloigné du maréchal de Tessé par la généalogie et tout au plus près par la galanterie : il avoit une mère que le maréchal avoit trouvée aimable. Pezé étoit un cadet ; il en prit soin et le mit de fort bonne heure page de Mme la duchesse de Bourgogne dont il étoit premier écuyer. Courtalvert,