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son principe, elle le fit gorger par Law, et le gorgé sut de bonne heure mettre son papier en or. Ils en étoient là quand il fut question de ramener au giron de l’Église un protestant ou anglican ; car lui-même ne savoit guère ce qu’il était. On peut juger que l’œuvre ne fut pas difficile, mais ils eurent le sens de la faire et de la consommer en secret, de sorte que ce fut quelque temps un problème, et qu’ils sauvèrent par ce moyen les bienséances du temps de l’instruction et de la persuasion, et une partie du scandale et du ridicule d’une telle conversion opérée par un tel convertisseur.

Quelque habile à se couvrir que fût l’abbé Tencin, ses débauches et ses diverses aventures l’avoient déshonoré dans le bas étage, parmi lequel il avoit vécu. Sa réputation d’ailleurs avoit beaucoup souffert de celle de sa sœur et de son identité avec elle. Il n’avoit pu dérober toutes leurs aventures au public, il en avoit eu d’autres pour des marchés de bénéfices qui avoient transpiré. On savoit aussi, quoique en gros, qu’il avoit tiré immensément de Law. Enfin il lui avoit été impossible de cacher jusqu’alors ses pernicieux talents à tout le monde. Il y passoit aussi pour un scélérat très dangereux que son esprit ployant et ses grâces rendoient agréable dans un certain commerce général, où il étoit souffert par ceux qui le connoissoient, et désiré par ceux qui, n’étant pas instruits, se prenoient aisément par des dehors flatteurs. Choisi par l’abbé Dubois pour succéder à Lafitau, et aller à Rome presser sa pourpre encore fort secrète, il dédaigna d’accommoder un procès qui lui étoit intenté en simonie par l’abbé de Vessière, et de plus en friponnerie pour avoir dérobé une partie du marché qu’il avoit fait d’un prieuré. Dans la faveur où il se trouvoit, et à la veille d’aller à Rome par ordre apparent du régent, mais en effet par celui de l’abbé Dubois déjà devenu redoutable, il ne put soupçonner que sa partie osât le pousser, aussi peu que le parlement imaginât de le condamner dans la brillante position