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le gouvernement de Navarreins. — Mort de la princesse de Guéméné. — Retour du maréchal de Berwick. — Porteurs de lettres en Espagne arrêtés. — Vaisseaux espagnols aux côtes de Bretagne. — Bretons en fuite ; d’autres arrêtés. — Profusions du régent. — Prince d’Auvergne épouse une aventurière anglaise. — Law se fait garder chez lui. — Caractère et fortune de Nangis et de Pezé, qui obtient le régiment du roi d’infanterie, et Nangis force grâces. — Ma situation avec Fleury, évêque de Fréjus, avant et depuis qu’il fut précepteur. — Caractère de Mme de Lévi. — Je propose à M. de Fréjus une manière singulière, aisée, agréable et utile d’instruction pour le roi, et je reconnois tôt qu’il ne lui en veut donner aucune. — Je m’engage à faire Fréjus cardinal. — Grâces pécuniaires au duc de Brancas. — Six mille livres de pension à Béthune, chef d’escadre. — Torcy obtient l’abbaye de Maubuisson pour sa soeur. — Madame de Bourbon, depuis abbesse de Saint-Antoine ; quelle. — Mort et état de l’abbé Morel.


La banque de Law et son Mississipi étoient lors au plus haut point. La confiance y étoit entière. On se précipitoit à changer terres et maisons en papier, et ce papier faisoit que les moindres choses étoient devenues hors de prix. Toutes les têtes étoient tournées. Les étrangers envioient notre bonheur, et n’oublioient rien pour y avoir part. Les Anglois même, si habiles et si consommés en banques, en compagnies, en commerce, s’y laissèrent prendre, et s’en repentirent bien depuis. Law, quoique froid et sage, sentit broncher sa modestie. Il se lassa d’être subalterne. Il visa au grand parmi cette splendeur, et plus que lui, l’abbé Dubois pour lui, et M. le duc d’Orléans ; néanmoins il n’y avoit aucun moyen pour cela qu’on n’eût rangé deux obstacles la qualité d’étranger et celle d’hérétique, et la première ne pouvoit se changer par la naturalisation sans une abjuration préalable. Pour cela il fallut un convertisseur qui n’y prît pas garde de si près, et duquel on fût bien assuré avant de s’y commettre. L’abbé Dubois l’avoit tout trouvé, pour ainsi dire, dans sa poche. C’étoit l’abbé Tencin que le diable a poussé depuis à une si étonnante fortune (tant il est vrai qu’il sort quelquefois de ses règles ordinaires pour bien