Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 17.djvu/29

Cette page n’a pas encore été corrigée

ne lui parlai plus de tout le conseil. Ce froid dura quelque temps. Je pense aussi qu’il y crut de la bienséance, et je ne me pressai pas de le réchauffer, mais peu à peu nous revînmes ensemble en notre premier état. Je sus même, par la duchesse Sforze, qu’il blâmoit fort Mme la duchesse d’Orléans de ne me point voir, jusqu’à l’en avoir bien fait pleurer, par tout ce que lui et Mme Sforze lui avoient souvent dit là-dessus. Mme la duchesse d’Orléans étoit outrée de ce qu’il étoit demeuré, et n’avoit rien oublié pour l’engager à suivre le sort de son frère et servir la passion du duc du Maine et la rage de la duchesse du Maine. Plusieurs se firent écrire à l’hôtel de Toulouse. M. le comte de Toulouse, comme je l’ai dit, ne voulut recevoir de compliment de personne, ni M. et Mme du plaine. J’étois quitte du mien par Valincourt, et à l’égard du duc et de la duchesse du Maine, je ne crus pas devoir leur donner aucun signe de vie. Je sus depuis qu’ils se prirent fort à moi de ce qui leur étoit arrivé, quoique fort sobres en discours. Je me contentai à leur égard d’avoir préféré le bien de l’État à tout le reste, et satisfoit de moi-même sur ce point principal, je jouis dans toute son étendue du plaisir de notre triomphe, sans me lâcher aussi en propos, et laissai M. du Maine en proie à ses perfidies, et Mme du Maine à ses folies, tantôt immobile de douleur, tantôt hurlante de rage, et son pauvre mari pleurant journellement comme un veau des reproches sanglants et des injures étranges qu’il avoit sans cesse à essuyer de ses emportements contre lui.

Le parlement, retourné à pied des Tuileries au palais, avec aussi peu de satisfaction, par les rues, qu’il en avoit eu en venant, y respira de la frayeur et de la honte qu’il avoit essuyées, et tâcha de s’en venger clandestinement, en faisant écrire sur une feuille volante de registres secrets et fugitifs, qu’il n’avoit ni pu ni dû opiner au lit de justice, et sa protestation contre tout ce qui s’y étoit fait. Mme du Maine avoit envoyé chercher le premier président, sitôt qu’il