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troupes, et pour que l’arrivée de ces troupes n’effarouchât personne.

Le maréchal de Berwick, n’ayant plus rien à exécuter du côté de la Navarre, étoit passé en Roussillon, où il prit la Ceu-d’Urgel et nettoya divers postes en présence du prince Pio, qui l’avoit suivi à la tête de l’armée d’Espagne par le dedans du pays, et ce fut là que finit la campagne. Le Guerchois, lieutenant général, en eut le gouvernement avec douze mille livres d’appointements.

Sur la fin d’octobre, M. le duc d’Orléans, je n’ai point su à l’instigation de qui, car il n’étoit guère capable d’y penser lui-même, désira que le roi, parlant à lui, l’appelât mon oncle, au lieu de lui dire Monsieur, et cela fut ainsi désormais. Le feu roi n’apparentoit personne sans exception que Monsieur et M. le duc d’Orléans. Il les appeloit mon frère et mon neveu, parlant à eux et parlant d’eux. Il appeloit aussi ma cousine et disoit ma cousine en parlant de Mademoiselle, fille de Gaston, morte en 1693 ; jamais ses petits-fils ni Monseigneur. Il étoit très rare qu’il lui dît quelquefois mon fils ou en parlant de lui ; jamais Madame ni pas un prince ni princesse du sang.

Besons, archevêque de Rouen, entra en ce même temps au conseil de régence, où il se disoit et ne se faisoit presque plus rien d’important. L’abbé Dubois, qui n’y entroit que pour les affaires étrangères depuis qu’il en étoit secrétaire d’État, y entra bientôt après tout à fait. Le ridicule où ce conseil commençoit à tomber, et que je prévis devoir s’augmenter par la facilité de M. le duc d’Orléans à y admettre, parce qu’on n’y faisoit rien, et qu’il s’en moquoit tout bas le premier, me fit sentir de plus en plus le danger de son cabinet, où tout se régloit, et celui du crédit de l’abbé Dubois qui y étoit le maître, et qui n’y laissoit rien communiquer à personne qu’à ceux-là seulement, dont il ne pouvoit [se] passer pour l’exécution, et encore pour le moment du besoin ; rarement, M. le duc d’Orléans prenoit la liberté