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tout seul à Rambouillet hors d’état et de volonté de rien entreprendre, en risque d’être dégradé comme son frère, pour son refus d’accepter le bénéfice de la déclaration en sa faveur ; tiraillé entre la reconnoissance qu’elle méritoit, même aux yeux du monde et la dépendance de la fortune et des caprices d’une folle qu’il abhorroit, et d’un frère qu’il n’aimoit ni n’estimoit. Les suites le firent trembler, et il prit son parti de conserver son rang et son état ordinaire. Lui et son frère allèrent le soir au Palais-Royal voir Mme la duchesse d’Orléans, comme je l’ai dit, tandis que Mme du Maine et ses enfants se retirèrent à l’hôtel de Toulouse, où ils les trouvèrent au retour. On peut juger de la soirée ; le maréchal de Villeroy, M. de Fréjus et très peu d’autres les y virent. Le lendemain, samedi, Mme la duchesse d’Orléans y alla ; nouvelles douleurs, Mme du Maine au lit, immobile comme une statue.

Ce même samedi, lendemain du lit de justice, j’envoyai prier Valincourt de venir chez moi. Il y vint. Je lui parlai franchement sur le choix que le comte de Toulouse avoit à faire. Je ne lui dissimulai point ce que j’avois voulu parer, et que n’ayant pu sauver l’éducation, ce que j’avois obtenu sur le rang ; que c’étoit moi qui avois imaginé, proposé, et fait agréer la déclaration en faveur du comte de Toulouse. Je le fis souvenir que je ne m’étois jamais caché sur le rang des bâtards, et je le priai de parler si fortement à son maître, qu’il ne se perdît pas pour son frère. Valincourt convint que j’avois raison, et me pria qu’il pût dire au comte de Toulouse l’obligation qu’il m’avoit. C’étoit bien mon dessein ; surtout je le pressai de faire que, dès le lendemain dimanche, le comte de Toulouse se trouvât au conseil de régence, et qu’il se défit de ses hôtes au plus tôt. Valincourt en étoit déjà ennuyé : il revint peu après me faire les remercîments du comte de Toulouse, et me dire que, malgré sa douleur et toutes les persécutions de famille, il demeureroit et se trouveroit le lendemain au conseil. Cela me rafraîchit fort