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par ce qui lui en arriva à la mort de Monsieur, qu’elle y passoit sa vie [1]. La reine de Sicile et elle s’écrivoient toutes les semaines. Madame lui manda sans détour qu’elle apprenoit qu’il étoit sérieusement question du mariage du prince de Piémont avec Mlle de Valois ; qu’elle l’aimoit trop pour lui vouloir un si mauvais présent et pour la tromper ; qu’elle l’avertissoit donc [2], etc. ; et lui raconta tout de suite tout ce qu’elle en savoit, ou ce qu’elle en croyoit savoir ; puis, la lettre partie et hors de portée de pouvoir être arrêtée et prise, elle dit tout ce qu’elle contenoit à M. [le duc] et à Mme la duchesse d’Orléans, qui en fut outrée. M. le duc d’Orléans, qui n’avoit jamais été de bon pied en cette affaire, et beaucoup moins depuis qu’elle avoit été remise à l’abbé Dubois, ne lit qu’en rire, et Dubois rit encore de bien meilleur cœur de ce rare et subit effet de son artifice. Ce mariage tomba donc de la sorte.

Plénœuf en fut éconduit avec assez peu de ménagement ; ses affaires en France s’étoient accommodées ; il se hâta de quitter Turin et revint avec l’air de l’importance, le fruit et la sécurité de sa banqueroute. Il n’en jouit pas longtemps et ne vécut pas longues années.

Six semaines après cette aventure, M. le duc d’Orléans, qui avoit ses raisons de se soucier peu de Mlle de Valois, et beaucoup de s’en défaire, conclut et déclara son mariage avec le fils aîné du duc de Modène. Personne malheureusement n’ignoroit pourquoi le régent se hâtoit tant de se défaire de cette princesse et avec si peu de choix. Je ne pus

  1. Des extraits des lettres de la duchesse d’Orléans ont été publiés plusieurs fois. La dernière édition a été donnée par M. Brunet. (Paris, Charpentier, 2 vol. in-12, 1855.)
  2. Madame fait mention de Mlle de Valois dans plusieurs lettres de 1719 et notamment dans les lettres du 13 mai, du 8 juin, 9 novembre, 30 novembre, 3 décembre, 17 décembre. Dans les dernières lettres, Madame parle du mariage prochain de Mlle de Valois avec le fils aîné du duc de Modène ; dans celle du 13 mai, il est question de ses intrigues avec le duc de Richelieu.