Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 17.djvu/266

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rivalité de beauté brouilla la mère et la fille, les rendit ennemies implacables, et [elles] y entraînèrent leurs adorateurs. C’est ce qui mit Le Blanc et Belle-Ile à une ligne de leur perte après une longue et dure prison. On se contente d’en faire ici la remarque ; le règne funeste et cruel de Mme de Prie dépasse le temps de ces Mémoires, qui ne doivent pas aller plus loin que la vie de M. le duc d’Orléans.

Plénoeuf, d’extérieur grossier, lourd, stupide, étoit le plus délié matois, qui alloit le mieux et le plus à ses fins, qui n’étoit retenu par aucun scrupule et dont l’esprit financier étoit propre aussi aux affaires et à l’intrigue. Ce dernier talent l’initia dans la cour de Turin, et le mit en situation de mettre sur le tapis le mariage de Mlle de Valois avec le prince de Piémont, sans en avoir nulle charge. On a vu ailleurs ce qui se passa là-dessus, comme je fus chargé malgré moi de la correspondance sur cette affaire avec Plénœuf, comme sa femme s’insinua chez Mme la duchesse d’Orléans et chez moi, sous prétexte de rendre elle-même les lettres de son mari, et comme, l’affaire avortée, elle sut se maintenir toujours auprès de Mme la duchesse d’Orléans et m’a toujours cultivé depuis. On a vu aussi qu’alors l’abbé Dubois étoit auprès du roi d’Angleterre, et que, dès qu’il fut arrivé, las de la correspondance avec un homme tel que Plénœuf, et connoissant la jalousie de l’abbé Dubois et la faiblesse de M. le duc d’Orléans pour lui, enfin qu’il goûtoit très médiocrement ce mariage, quoique très mal à propos, je lui proposai de ne pas faire un pot à part de cette seule affaire étrangère, et de trouver bon que je la remisse à l’abbé Dubois, pour ne m’en plus mêler, ce que je fis en même temps, au grand regret de Mme la duchesse d’Orléans, et dont Mme de Plénoeuf fut aussi bien fâchée, mais à ma grande satisfaction. Celle-ci bâtissoit déjà beaucoup en espérance, si son mari concluoit ce mariage. Mme la duchesse d’Orléans le désiroit passionnément ; elle étoit informée de tout par moi, ce qu’elle n’espéroit pas de l’abbé Dubois, et craignoit