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même seroit un obstacle de plus à ses désirs. Il s’abandonna donc à sa chimère, et Law, son ami et son confident, en profita pour faire sa cour au régent, et procurer au bâtard qu’il avoit reconnu de Mme d’Argenton le grand prieuré de France. Le marché en fut bientôt fait et payé gros. Pas un de ceux qui y entrèrent de part et d’autre n’étoient pas pour en avoir plus de scrupule que du marché d’une terre ou d’une charge, et l’ordre de Malte, ni le grand maître, pour oser refuser un régent de France. L’affaire se fit donc avec si peu de difficulté qu’on la sut consommée avant d’en avoir eu la moindre idée. Il s’en trouva davantage pour la dispense des vœux du chevalier de Vendôme, et pour celle de se pouvoir marier ; mais il l’obtint enfin par la protection de M. le duc d’Orléans, et au moyen des sûretés qu’il donna à la maison de Condé de ne répéter rien de la succession du feu duc de Vendôme, son frère, qui par la donation entre vifs de son contrat de mariage avec la dernière fille de feu M. le Prince, fondée sur la profession de cet unique frère, étoit passée tout entière aux héritiers de la feue duchesse de Vendôme, excepté ce qui se trouva réversible à la couronne. Cela fait, il chercha partout à se marier, et partout personne ne voulut d’un vieux ivrogne de soixante-quatre ou soixante-cinq ans, pourri de vérole, vivant de rapines, sans autre fonds de bien que le portefeuille qu’il s’étoit fait et dont tout le mérite ne consistoit que dans son extrême impudence ; lui, au contraire se persuadoit qu’il n’y avoit rien de trop bon pour lui. Il chercha donc en vain et si longtemps qu’il se lassa enfin d’une recherche vaine et ridicule. 11 continua sa vie accoutumée qu’il étoit incapable de quitter, qui l’obscurcit de plus en plus, et qui ne dura que peu d’années depuis cette dernière scène de sa vie.

Ce fut en ce temps-ci que Plénoeuf revint en France en pleine liberté, après s’être accommodé avec ses créanciers à peu près comme il voulut. Je ne barbouillerois pas ces Mémoires du nom et du retour de ce bas financier sans les