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de sa réputation. Mon autre raison fut l’importance d’opposer l’unique barrière que l’État pût avoir contre les entreprises de Rome, du clergé de France, d’un régulier [1] impétueux qui gouverneroit la conscience d’un roi ignorant, foible, timide, ou qui n’étant d’ailleurs ni timide ni foible, le seroit par la grossièreté d’une conscience délicate et ténébreuse sur toutes les matières ecclésiastiques, ou qu’on lui donneroit pour l’être. Il n’y a qu’à ouvrir les histoires de tous les pays et du nôtre en particulier, pour voir la solidité de ces raisons. Celles de mon mémoire ne me parurent ni moins fortes ni moins solides, mais celles-ci qui ne s’y pouvoient mettre, me semblèrent encore plus importantes.

Tandis que je suis sur cette matière, je suis d’avis de l’achever pour n’avoir pas à y revenir sur l’année prochaine, où il n’y auroit qu’un mot à en dire. Ce projet étoit trop cher à Law et à l’abbé Dubois pour l’abandonner : à Dubois pour s’ôter toutes sortes d’obstacles présents et à venir pour l’établissement et la conservation de sa toute-puissance ; à Law pour son propre soutien par ce prodigieux débouchement de papier dont il sentoit de loin tout le poids en quelque vogue qu’il fût alors. On verra sur l’année prochaine, qu’elle se passa en luttes entre le gouvernement et le parlement. Ces luttes donnèrent lieu aux promoteurs du projet abandonné de tâcher de le ressusciter, sans qu’en aucun temps ni l’un ni l’autre m’en ait parlé, sinon une fois ou deux quelques regrets échappés courtement à Law d’un si bon coup manqué.

J’étois allé, dans l’été, passer quelques jours à la Ferté, dans un intervalle d’affaires et du conseil de régence. Peut-être que mon absence leur fit naître l’espérance de le brusquer. Le lendemain de mon arrivée, j’allai faire ma cour à M. le duc d’Orléans, comme je faisois à tous mes retours. Je le trouvai avec assez de monde. Après quelques moments

  1. C’est-à-dire ecclésiastique soumis à une règle monastique.