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que non seulement le parlement ne se crût pas tenu d’observer rien de tout ce qui avoit été enregistré au lit de justice des Tuileries malgré lui et contre ses prétentions, mais encore qu’il se crût en droit d’agir d’une manière tout opposée à la teneur de ce qui y avoit été ainsi enregistré. C’est aussi ce que le parlement fit pas à pas, avec toute la suite et la fermeté possible, et toute la circonspection aussi qui pût assurer l’effet de son intention, en s’opposant à tous les enregistrements nécessaires aux diverses opérations de Law, et vainement tentées sous toutes les formes.

M. le duc d’Orléans étoit exactement informé et très peiné de cette conduite, et Law infiniment embarrassé ; il avoit bien des manèges et des opérations à faire qui demandoient un parlement soumis, et il avoit affaire à un régent qui n’aimoit pas les tours de force, et qui sembloit épuisé sur ce point par ceux où il avoit été contraint d’avoir recours. Dans cette perplexité Law imagina de trancher ce nœud gordien. Il se trouvoit au plus haut point de son papier : le feu du François y étoit ; il n’y avoit que peu de gens, en comparaison du grand nombre, qui préférassent l’argent à ce papier. Il proposa donc à M. le duc d’Orléans de rembourser avec ce papier toutes les charges du parlement de gré ou de force, de se parer à l’égard du public d’ôter la vénalité des charges qui a tant fait crier autrefois, et qui nécessairement entraîne de si grands abus ; de les remettre toutes en la main du roi pour n’en plus disposer que gratuitement, comme avant que les charges fussent vénales, et le rendre ainsi maître du parlement, par de simples commissions qu’il donneroit, pour le tenir d’une vacance à l’autre, et qui seroient ou continuées ou changées à chaque tenue du parlement, en faveur dés mêmes, ou d’autres sujets, selon son bon plaisir.

Un spécieux si avantageux, et sans bourse délier, éblouit le régent. Le duc de La Force appuya cette idée de concert avec l’abbé Dubois qui n’y vouloit pas trop paroître, mais