Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 17.djvu/245

Cette page n’a pas encore été corrigée

nécessaire, parce qu’elle y montre là raison qui m’a fait mêler d’un projet de finance, moi dont le goût et l’aptitude en sont si éloignés.

M. d’Allemans, excellent citoyen, qui étoit depuis longtemps témoin oculaire des malheurs de la campagne, chercha des remèdes à ces maux. Il crut en avoir trouvé un dans une manière de taille proportionnelle. Il travailla son projet, et il en apporta des mémoires à Paris. Il me vint voir et il m’en parla. Je lui dis que le petit Renaud avoit eu une idée pareille, et que M. le duc d’Orléans aussi l’avoit envoyé en quelques provinces faire quelques essois sur des paroisses en petit nombre, et Silly d’un autre côté, qui s’y étoit présenté, qui est le même Silly dont j’ai ailleurs raconté par avance la fortune et la catastrophe. Je crois avoir aussi fait connoître ailleurs ce petit Renaud, que tout le monde, et le meilleur, avec qui son mérite l’avoit mêlé, appeloit ainsi de sa très petite taille. Il étoit très savant, très homme d’honneur, modeste, désintéressé, zélé citoyen, avec de l’esprit et du monde, des distractions plaisantes de géomètre, consommé dans toutes les parties de la marine, fort brave, lieutenant général des armées navales, grand’croix de Saint-Louis, qui avoit fait en chef diverses expéditions, fort estimé du feu roi dont il avoit des pensions, et de ses ministres, et de tout temps aimé de M. le duc d’Orléans. Il étoit ami intime de Louville. Il étoit des miens, et, comme il étoit grand disciple du P. Malebranche, il avoit connu aussi M. d’Allemans. Ce dernier me lut un mémoire tiré de ses observations. Louville, qui le connoissoit, et qui avoit dîné avec lui chez moi, demeura présent à cette lecture.

Le mémoire étoit beau et solide et nous parut mériter d’aller plus loin ; mais avant d’en parler à M. le duc d’Orléans, nous jugeâmes qu’il falloit éviter d’être croisés, et qu’il étoit à propos de rassembler les lumières. Renaud étoit venu faire un tour à Paris ; nous en voulûmes profiter. Louville aboucha d’Allemans avec lui ; ils eurent plusieurs conférences