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Laval, interrogé à la Bastille sur ces aveux, entra en furie contre la duchesse du Maine, jusqu’à lui donner toutes sortes de noms, s’écria que c’étoit bien la dernière personne dont il auroit soupçonné la faiblesse et l’infamie de révéler et de perdre ses amis, qu’il y avoit plus de dix ou douze ans qu’il la voyoit peu en public, très fréquemment en secret ; que c’étoit elle qui l’avoit embarqué dans toute cette affaire, dont la colère lui fit dire plusieurs détails, sans que ces détails soient revenus à moi ni à personne qu’à M. le duc d’Orléans, qui, à ce que je crus voir, n’en fut même que légèrement instruit, et ne les approfondit pas.

Un seul fut su : c’est qu’une nuit, qu’après avoir été souper à l’Arsenal, Mme du Maine alloit en bonne fortune voir Cellamare sans valets, n’ayant que quelques gens affidés dedans et derrière son carrosse, et Laval le menant au lieu de cocher et sans flambeaux, elle fut accrochée par un autre carrosse, dont ils eurent toutes les peines du monde à se débarrasser, et la plus grande frayeur d’en être reconnus.

Ce furent ces aveux qui valurent plus de liberté à M. et à Mme du Maine, et qui firent mettre à Saumur le secrétaire de Cellamare. Ce fut aussi où commença cette comédie entre eux deux, dont qui que ce soit ne put être la dupe. Ces aveux furent accompagnés de toutes sortes d’assurances et de protestations que le duc du Maine n’avoit jamais su un mot de toute cette affaire ; qu’ils n’avoient garde d’en rien laisser apercevoir à sa timidité naturelle, car, pour le sauver, elle ne le ménageoit pas ; qu’ils se seroient exposés à voir rompre leur projet à l’instant, et très possiblement encore à la révélation qu’il en auroit faite dans la peur où il en auroit été ; que leur plus épineux embarras avoit été de se cacher de lui, ce qui avoit souvent retardé et quelquefois déconcerté toutes leurs mesures par les contre-temps des rendez-vous et la fréquente nécessité de les abréger. Ce fut à cette momerie que tout l’esprit de la duchesse du