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ne comptoit plus Mme de Mouchy pour être de la maison, avec sa chimère de charge de seconde dame d’atours ; qu’elle avoit perdu sa fille, qu’elle l’avoit pillée, n’oublia pas le baguier qu’il lui avoit ôté, et me chargea, conjointement avec Mme de Saint-Simon, d’empêcher qu’elle demeurât à la Muette si elle s’y présentoit, encore plus de lui laisser faire aucune fonction, ni d’entrer dans les carrosses pour accompagner le corps à Saint-Denis, ou le cœur au Val-de-Grâce.

Je proposai à M. le duc d’Orléans qu’il n’y eût ni garde du corps, ni eau bénite, ni aucune cérémonie ; que le convoi fût décent, mais au plus simple, et les suites de même, surtout qu’au service de Saint-Denis, où on ne pouvoit éviter le cérémonial ordinaire, il n’y eût point d’oraison funèbre : je lui en touchai légèrement les raisons, qu’il sentit très bien, me remercia, et convint avec moi que les choses se passeroient ainsi, et que de sa part je les ordonnasse de la sorte. Je fus le plus court que je pus avec lui sur ces funèbres matières, et je le promenois tant que je pouvois de temps en temps dans les pièces de suite de la maison et dans l’entrée du jardin, et le détournois de la chambre de la mourante autant qu’il me fut possible.

Le soir bien avancé, et Mme la duchesse de Berry de plus en plus mal et sans connoissance depuis que Chirac l’avoit empoisonnée, comme on a vu en son lieu que les médecins de la cour en firent autant au maréchal de Boufflers, en pareil cas, à Fontainebleau, et avec même succès, M. le duc d’Orléans rentra dans la chambre et approcha du chevet du lit, dont tous les rideaux étoient ouverts ; je ne l’y laissai que quelques moments et le poussai dans le cabinet, où il n’y avoit personne. Les fenêtres y étoient ouvertes, il s’y mit appuyé sur le balustre de fer, et ses pleurs y redoublèrent au point que j’eus peur qu’il ne suffoquât. Quand ce grand accès se fut un peu passé, il se mit à me parler des malheurs de ce monde et du peu de durée de ce qui est de