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Le danger redoublant, Languet, célèbre curé de Saint-Sulpice, qui déjà s’étoit rendu assidu, parla des sacrements à M. le duc d’Orléans. La difficulté fut qu’il pût entrer pour les proposer à Mme la duchesse de Berry. Mais il s’en trouva bientôt une plus grande. C’est que le curé, en homme instruit de ses devoirs, déclara qu’il ne les administreroit point, ni ne souffriroit qu’ils lui fussent administrés, tant que Rion et Mme de Mouchy seroient non seulement dans sa chambre, mais dans le Luxembourg. Il le fit tout haut, et devant tout le monde, exprès à M. le duc d’Orléans qui en fut moins choqué qu’embarrassé. Il prit le curé à part, et le tint longtemps à tâcher de lui faire goûter quelques tempéraments. Le voyant inflexible, il lui proposa à la fin de s’en rapporter au cardinal de Noailles. Le curé l’accepta sur-le-champ, et promit de déférer à ses ordres comme étant son évêque, pourvu qu’il eût la liberté de lui expliquer ses raisons. L’affaire pressoit, et Mme la duchesse de Berry se confessoit pendant cette dispute à un cordelier son confesseur. M. le duc d’Orléans se flatta sans doute de trouver le diocésain plus flexible que le curé avec lequel il étoit très opposé de sentiment sur la constitution, et qui pour la même affaire étoit si fort entre les mains du régent ; s’il l’espéra, il se trompa.

Le cardinal de Noailles arriva ; M. le duc d’Orléans le prit à l’écart avec le curé, et la conversation dura plus d’une demi-heure. Comme la déclaration du curé avoit été publique, le cardinal-archevêque de Paris jugea à propos que la sienne la fût aussi. En se rapprochant tous les trois du monde et de la porte de la chambre, le cardinal de Noailles dit tout haut au curé qu’il avoit fait très dignement son devoir, qu’il n’en attendoit pas moins d’un homme de bien, éclairé comme il l’étoit, et de son expérience ; qu’il le louoit de ce qu’il exigeoit, avant d’administrer ou de laisser administrer les sacrements à Mme la duchesse de Berry ; qu’il l’exhortoit à ne s’en pas départir et à ne se laisser pas tromper